Goûter avec Tigre
Entretien avec Delphine Deloget, réalisatrice de Tigre
Pourquoi vouliez-vous situer vos personnages dans cette tranche d’âge ?
J’avais envie de filmer des jeunes femmes, à un âge où l’on a des choix de vie forts à faire, un âge où l’on ne peut plus se cacher derrière ses parents mais où l’on n’est pas encore totalement armé pour la vie. Je ne voulais pas qu’elles aient l’excuse de l’adolescence ou de l’insouciance, alors la petite vingtaine me paraissait l’âge idéal pour raconter cette histoire.
Qu’est-ce qui vous intéressait dans le caractère désenchanté de Sabine ?
Sabine c’est un peu l’eau qui dort et qui un jour se réveille… bonne à rien, capable de tout. J’aimais l’idée de raconter une jeune femme qui de l’extérieur, ou du moins sur papier, ne passionne pas vraiment les foules, ni la société ni même les cinéastes. Sabine est un personnage risqué car elle n’attire pas d’emblée la sympathie. L’envie n’était pas qu’elle génère de l’empathie mais plutôt de la fascination.
Comment vous est venue l’idée du rapport à l’animalité ?
Tigre est un conte, un conte moderne qui raconte l’instinct animal qui sommeille en chacun de nous. Il suffit souvent d’un petit rien, d’une soudaine trahison, d’une vulgaire blessure d’orgueil ou d’une banale déception pour le réveiller. L’animal blessé est redoutable. Le scénario s’est écrit à partir de l’image de fin du film que j’ai eue un jour un peu comme un flash. Une image (je ne peux la révéler pour ceux qui n’ont pas encore vu le film) qui m’a horrifiée autant qu’elle m’a fait rire.
À quel point êtes-vous intéressée par la thématique du rejet de l’autre et envisagez-vous de faire d’autres films sur cette question ?
C’est moins la thématique du rejet de l’autre que celui de la trahison qui m’intéressait – mais l’un comme l’autre, ce sont des thématiques fortes car universelles. Sabine est peut-être une fille “spéciale“ ou particulière, mais les sentiments qu’elle éprouve sont d’une extrême banalité. Je pense que dans tous mes films et dans ceux qui suivront, il y a toujours l’idée d’un personnage seuls contre tous, d’un sentiment de solitude ou d’abandon. Mais c’est un peu le ressort du cinéma en général. Non ?
Y a-t-il des libertés que le format court métrage vous a apportées en particulier ?
Le court métrage permet de radicaliser un propos ou un personnage peut-être plus facilement. Il permet d’oser, de lâcher prise plus volontiers – Il permet d’aller explorer des formes et des territoires sans avoir la pression d’une narration, d’un scénario à tenir sur 90 minutes. Pour Tigre, j’avais envie d’un film à la frontière de plusieurs genres : le drame social, la comédie noire, le fantastique.
Pour voir Tigre, rendez-vous aux séances de la compétition nationale F11.