Breakfast avec TNT
Entretien avec Olivier Bayu Gandrille, réalisateur de TNT
Pourquoi avoir choisi de situer l’histoire lors des émeutes de 2005 ?
Ce n’était pas tant un choix qu’une volonté de rester fidèle à ma démarche de départ : mon envie première était de raconter une partie de mon adolescence en banlieue parisienne. Il se trouve que cette adolescence a été fortement marquée par la mort de Zyed Benna et Bouna Traoré et par les émeutes de 2005 qui ont été des événements clés pour les jeunes des villes touchées. Ils ont constitué, pour beaucoup, une forme de prise de conscience violente et soudaine. C’est justement ce point de bascule que je tente d’explorer dans mon film.
Et pourquoi avoir choisi d’aborder les questions soulevées sous un angle assez surnaturel ?
L’angle surnaturel vient avant tout de ma volonté de rester à hauteur d’enfant. C’est un film qui explore le sentiment de peur – la peur du racisme, la peur de la police – et ce sentiment, chez l’enfant, s’exprime le plus souvent à travers des figures et des récits fantastiques.
D’où vous est venue l’idée de Paupaul ?
Paupaul était une véritable légende urbaine qui circulait dans mon collège. Je ne l’ai donc pas inventé mais j’ai tenté de comprendre ce qu’il incarnait et pourquoi il a existé. Ne s’attaquant qu’aux jeunes non-blancs, il personnifiait assez clairement une peur du racisme mais il révélait surtout à quel point nous avions déjà, en tant qu’enfants issus de l’immigration, une « pré-conscience » de notre couleur de peau et donc une « pré-conscience » des dangers qu’elle pouvait engendrer.
Comment avez-vous travaillé avec vos jeunes acteurs ?
Un long travail de casting sauvage a été entrepris par Marie Cantet, directrice de casting du film, avant de trouver nos acteurs. Il s’agissait de dénicher des personnalités qui correspondaient aux personnages que j’avais écrits car il était absurde que je demande à de jeunes acteurs non-professionnels de jouer des rôles de composition. S’en sont suivies plusieurs semaines de répétition dont les buts étaient surtout de donner goût au jeu et d’instaurer une relation de confiance. Il y avait très peu d’exercices « techniques » car j’étais persuadé que la justesse de leur jeu viendrait surtout de leur envie de jouer et de leur écoute.
Quelles sortes de sujets et de genres vous attirent en tant que cinéaste ?
Je ne suis pas attiré par des sujets ou des genres en particulier. Je dirais même que je suis davantage attiré par des films aux délimitations floues que l’on peut difficilement identifier. Moi-même, au moment de concevoir un film, je ne me pose pas la question du sujet et ou celle du genre. J’essaye, autant que possible, de les laisser émerger d’eux-mêmes.
Y a-t-il un court métrage qui vous a particulièrement marqué ?
Il y a les courts-métrages de grands réalisateurs : La Jetée de Chris Marker, The Fall de Jonathan Glazer… Ceux de grands plasticiens : (Sans titre) Masque Humain de Pierre Huyghe… Et il y a ceux de mes amis, je vous conseille Waterfountain ou Comment faire pour deux de Jules Follet. En dehors de ceux-là, je crois que le dernier qui m’a marqué est Blaké de Vincent Fantano. Des images (le chien malade, les déambulations dans le parking) me sont restées longtemps après le visionnage.
Selon vous, qu’est-ce qui fait un bon film ?
Pour moi un bon film est un film obsédé par une recherche de justesse. Au-delà du fait que je trouve la démarche de tâtonner et de creuser très communicative, quand advient une trouvaille dans un film tout se met à résonner. Pour résumer, il me semble qu’un bon film est un film qui cherche et qui miraculeusement trouve. Et non pas un film programmatique qui sait d’avance où il va et ce qu’il veut exprimer. Il est très clair pour moi que l’auteur n’est pas plus intelligent que le spectateur : il n’a pas une « connaissance » que lui seul détiendrait et dont il ferait don au spectateur. Finalement, je crois que le mieux que l’on puisse faire c’est simplement d’embarquer le spectateur dans sa quête de justesse et advienne que pourra.
Pour voir TNT, rendez-vous aux séances de la compétition nationale F11.