Dernier verre avec Tracing Addai (À la recherche d’Addai)
Entretien avec Esther Niemeier, réalisatrice de Tracing Addai (À la recherche d’Addai)
Au départ, votre projet était-il de parler de la guerre en général ou des combattants de Daesh en particulier ?
Ma principale motivation pour faire ce film a été mon lien avec Addai, le personnage principal, et sa famille. C’est l’histoire d’Addai qui a fait changer mon point de vue sur les jeunes européens qui rejoignent Daesh. Je voulais comprendre puis raconter son histoire, pas seulement après sa conversion à l’Islam mais aussi ce qu’il avait vécu avant et ce qu’il représentait pour moi. S ‘il n’avait pas vécu tout ça, je n’aurais probablement jamais fait un film sur ce sujet.
Les dialogues et les entretiens sont-ils extraits de véritables conversations et échanges de mail ? Avez-vous conservé les voix originales ?
Tous les entretiens et échanges de mails entre Addai et sa mère sont issus de conversations réelles et de leurs échanges épistolaires. Nous avons bien sûr changé les noms mais le contenu forme le texte original. Le rôle d’Ilias est tenu par un acteur mais le texte est issu des entretiens que j’ai eus avec lui. Je n’avais pas le droit d’enregistrer à la prison où il purge sa peine, seulement le droit à un papier et un crayon. Je lui ai rendu visite aussi souvent que possible et lui ai aussi envoyé des questions par courrier auxquelles il répondait par retour. Les entretiens sont donc le fruit des retranscriptions de nos rencontres et de nos échanges écrits.
Comment avez-vous travaillé avec les différentes techniques d’animation et l’application de couleurs ?
Ça a vraiment été un travail d’équipe. Nous avons travaillé avec une équipe d’animateurs et passé beaucoup de temps à essayer un tas de techniques avant de se décider pour celle que vous pouvez voir à l’écran. Ce procédé était entièrement nouveau pour nous tous puisque personne de l’équipe film n’avait jamais travaillé sur de l’animation et aucun des animateurs n’avaient jamais travaillé sur un documentaire. Au final, nous avons choisi d’utiliser différentes techniques de rotoscoping qui reflètent les différents degrés de tension propre aux différents moments de l’histoire.
Votre but était-il de démontrer que ce sont le sentiment d’exclusion et les inégalités sociales qui amènent les jeunes gens à s’engager ou bien est-ce que ça vous est venu au fil des témoignages ?
Ce qui m’intéressait c’était de comprendre ce qui pousse des jeunes, hommes ou femmes, comme Addai ou Ilias, à s’engager dans une guerre qui n’est pas la leur. Et puis en faisant le film, ça devenait de plus en plus clair que dans leur cas, le sentiment d’exclusion et les inégalités sociales avaient joué un rôle clé dans leur histoire. C’est donc devenu le sujet principal du film puisque ce qui a été clairement démontré, c’est que la responsabilité de ce phénomène vient en grande partie de l’organisation de notre société.
Avez-vous d’autres projets à partir de témoignages ?
Pour l’instant je n’ai pas d’autres projets à partir des témoignages d’Ilias et de la mère d’Addai… mais qui sait, peut-être un jour.
Y a-t-il des libertés que le format court métrage vous a apportées en particulier ?
Je dirais que ça m’a donné un cadre, ou des contraintes, qui m’ont obligé de concentrer mes efforts sur le contenu et l’essence de l’histoire.
Pour voir Tracing Addai (À la recherche d’Addai) rendez-vous dans les séances de la compétition Internationale I1.