Dîner avec Bergie (Sans abri)
Entretien avec Dian Weys, réalisateur de Bergie (Sans abri)
Quel a été le point de départ de Bergie ?
Trois éléments m’ont poussé à réaliser Bergie. Tout d’abord, je vis au Cap, et il n’est pas rare de croiser des personnes dormant sur les trottoirs. J’ai notamment entendu l’histoire d’un sans domicile fixe que les passants croyaient endormi, alors qu’il était décédé. Je me suis longtemps demandé combien de temps il leur a fallu pour se rendre compte qu’il était mort. Ensuite, il y a beaucoup de sans-abri près de mon immeuble. Je vois parfois les forces de l’ordre les réveiller et les déplacer. De temps en temps, des activistes tentent d’empêcher ces interventions en présentant des requêtes auprès du tribunal. Ces scènes se déroulent derrière notre immeuble, et sont souvent assez dramatiques. Et le dernier élément déclencheur est la course de 5 km organisée tous les samedis matin dans mon quartier. Juste après le départ, le tracé passe sous un pont où de nombreux SDF dorment, mais se font réveiller par l’animation et le bruit de nos foulées. Ces trois éléments se sont imbriqués alors que je participais à une de ces courses : je me suis dit que, malheureusement, on ne réalisait qu’un SDF était décédé que s’il se trouvait sur notre chemin. Et habituellement, ce sont les forces de l’ordre qui se retrouvent impliquées dans ce genre de situations, pas nous, simples citoyens. J’ai donc écrit le scénario avec ce lieu proche de chez moi en tête, là où tous ces événements se sont déroulés.
Pouvez-vous expliquer ce que signifie « bergie » en Afrique du Sud ?
En Afrique du Sud, le terme « bergie » désigne les sans-abri. Ils sont appelés comme ça car ils avaient pour habitude de se réfugier sur les versants de la Table Mountain (« Tafelberg » en Afrikaans). En afrikaans, comme en néerlandais et en allemand, « berg » signifie « montagne ». L’ajout du suffixe « -ie » transforme le mot en diminutif.
La plupart des plans se concentrent sur le visage du personnage principal et ses réactions. Avez-vous fait ce choix pour permettre aux spectateurs de s’impliquer émotionnellement ?
Oui, c’est évident, mais je voulais aussi éliminer le reste du monde. La caméra ne capture pas seulement ce qui se trouve en face d’elle, elle élimine aussi le monde autour d’elle. Et c’est important, car de la même manière, dans la vraie vie, il y a énormément d’informations auxquelles nous n’avons pas accès. Pour moi, c’est une forme de narration plus honnête, car elle reflète notre expérience du monde individuelle et limitée. Je voulais non seulement que les spectateurs puissent observer les réactions du personnage face à cette situation, mais aussi les encourager faire preuve d’imagination concernant l’espace hors-champ et donc les intégrer dans le processus de réalisation cinématographique.
Quelle réaction attendez-vous de la part du public ?
J’espère que le film poussera les spectateurs à s’interroger sur les relations qu’ils entretiennent avec les personnes qui souffrent, et sur ce qu’une telle responsabilité peut impliquer.
Quel est votre court métrage de référence ?
Ex aequo : Une nuit douce de Qiu Yang et I Am Afraid to Forget Your Face de Sameh Alaa. Laps de Charlotte Wells arrive juste derrière.
Que représente pour vous le festival de Clermont-Ferrand ?
Pour moi, le festival de Clermont-Ferrand incarne la fête du format court. Si beaucoup de personnes considèrent les courts métrages comme un point de départ avant de passer au long métrage, je les vois comme des médiums à part entière qui permettent d’oser davantage et d’avoir plus de libertés. Les possibilités qu’offrent les courts métrages sont infinies.
Pour voir Bergie (Sans abri), rendez-vous aux séances de la compétition internationale I5.