Goûter avec Chemkids
Entretien avec Julius Gintaras Blum, réalisateur de Chemkids
Quelle est votre relation avec la ville de Chemnitz?
Je suis né à Dresden, tout près de Chemnitz. Au début de ma vingtaine, je traversais la ville en train et me suis rendu compte que je n’y étais jamais allé, malgré cette proximité. Puis je suis tombé amoureux de quelqu’un qui avait grandi à Chemnitz. Du jour au lendemain j’ai passé beaucoup de temps dans une ville pour laquelle je n’avais pas le moindre intérêt jusqu’ici. C’était d’autant plus excitant comme situation, que ça m’a permis de m’immerger en profondeur dans les diverses communautés qui y habitent. Ça m’a fasciné de découvrir que cette ville qui n’a rien de remarquable à première vue est en fait très intéressante vue de l’intérieur, et bouillonne d’une inépuisable énergie.
Qu’est-ce qui vous a amené à centrer le documentaire sur la jeunesse de Chemnitz ? Pourquoi ce choix narratif ?
Je me suis senti tout de suite à l’aise avec tous ceux que j’ai rencontrés dans la ville. Il y avait beaucoup de chaos dans les vies émotionnelles et les rêves d’avenir des jeunes gens. Leurs aspirations semblaient pleines d’espoir et en même temps désabusées. Ça m’a impressionné de les voir apparemment si ambitieux tout en ayant autant de choses qui risquaient de les retenir, tous ces obstacles liés à leurs familles, au passé et à l’histoire de leur ville. J’ai décidé de faire un film sur la relation de ces personnes avec leur ville, afin que cette ville devienne elle-même un personnage.
Comment avez-vous abordé les jeunes gens qu’on voit dans le film ? Ont-ils été coopératifs ?
Ils étaient la plupart du temps enthousiastes, beaucoup sont fiers de leur ville. Je pense aussi que Chemnitz n’est pas une ville qui croule sous les propositions artistiques et culturelles. Ce genre d’endroits a souvent du potentiel.
Parlez-nous du tournage. S’est-il bien passé ? Quels obstacles avez vous rencontrés ?
Le tournage a été épuisant car nous n’étions que deux sur place : Philipp Schaeffer en tant que chef-opérateur et moi en tant que réalisateur. En outre, j’ai fait l’enregistrement sonore dans sa totalité et il m’a fallu joindre un nombre exceptionnellement élevé de personnes avec qui rester en contact sans perdre le fil des situations des uns et des autres. Philipp de son côté a dû gérer tout seul un matériel de tournage plutôt conséquent et je lui suis très reconnaissant pour sa loyauté et son soutien sans faille. Il a fait un travail fantastique et c’est un bon compagnon. Somme toute cette façon de travailler a été pour moi une expérience très intéressante, dans le sens où elle m’a permis de filmer de manière très flexible et très intime.
Parlez-nous de votre parcours en tant que cinéaste. Avez-vous envie d’explorer la fiction ?
Je suis né à Dresden en 1995. Ma mère a été élevée en Lituanie soviétique, et mon père en Allemagne de l’Ouest. J’ai donc grandi dans un foyer plein de contrastes, à l’est de l’Allemagne qui venait d’être réunifiée. Pendant longtemps j’ai pensé être complètement indifférent à cet état de faits. Ça a changé quand j’ai commencé mes études de réalisation en Allemagne il y a trois ans. Je me suis mis à ressentir une vive envie de m’investir davantage sur les endroits où j’ai grandi et aussi sur mon pays d’origine maternel, la Lituanie. Je me suis rendu compte que cette partie de ma vie avait été plus formatrice pour moi que ce que je croyais. J’ai passé presque toute ma vie en Allemagne de l’Est, mais aussi en Lituanie et je parle les deux langues. Je ne me suis cependant jamais considéré comme un enfant de l’Est car mon père était d’Allemagne de l’Ouest. En ce moment, je trouve palpitant d’explorer ça à travers mon travail cinématographique. En fait, mon dernier projet est un court métrage de fiction intitulé In the Rough. Il est basé sur une expérience que j’ai vécue pendant mon enfance en Lituanie. In the Rough faisait partie de mon programme d’études à l’Académie du Film du Bade-Wurtemberg, en coproduction avec les diffuseurs Arte et la SWR. À cette heure, le film suit les dernières étapes de la post-production et on commence à le soumettre aux festivals. Pour le moment je reste ouvert quant à faire du documentaire ou de la fiction : je me mettrai au diapason de ce qu’a le sujet à m’offrir.
Plus généralement, quels films ont inspiré votre cinéma ?
Ida et Cold War de Pawel Pawlikowski m’ont fait forte impression.
Quel est votre court métrage de référence ?
J’y ai réfléchi longtemps, mais je n’arrive pas à me décider. Il y en a quelques-uns.
Que représente pour vous le festival de Clermont-Ferrand ?
C’est quelque chose dont je rêvais, y participer, et ce rêve se réalise à présent. J’étais sur un petit nuage quand j’ai reçu la nouvelle. C’est la première fois que je participe à un festival en France et ça me fait vibrer, parce que je connais l’importance des films et du cinéma dans ce pays, et la longue tradition de Clermont-Ferrand. En ce qui concerne Chemkids, jusqu’ici on n’était jamais allé aussi loin en Europe occidentale pour le diffuser, ce qui ne fait que renforcer mon enthousiasme à l’idée de le présenter et de rencontrer les autres cinéastes.
Pour voir Chemkids, rendez-vous aux séances de la compétition internationale I5.