Dernier verre avec À cœur perdu
Entretien avec Sarah Saidan, réalisatrice de À cœur perdu
Comment est née l’idée d’À cœur perdu ?
Il y a un proverbe qui dit « Où bat le cœur, là se trouve le foyer ». Mais comment faire quand on ne sait pas exactement où se trouve son cœur ? Le sujet de ce film résonne énormément en moi. J’ai immigré en France il y a plus de dix ans maintenant, mais il m’arrive encore de devoir répondre à la question « Quand est-ce que tu rentres chez toi ? ». À plusieurs reprises, j’ai mal compris la question et pensé que « chez moi » faisait référence à mon appartement à Paris, alors que mon interlocuteur pensait à l’Iran. Ces moments m’ont fait me sentir comme une parfaite étrangère au milieu des personnes avec lesquelles je vivais, mais j’ai aussi perçu un certain sens de l’humour et c’est ce ton que j’ai choisi pour mon film afin de ne pas en faire une histoire triste. Car À cœur perdu est tout sauf une histoire triste.
Pourquoi avoir choisi de représenter Paris et Téhéran par le biais de leurs architectures, tracés de rues, marchés et ambiances ?
Omid, le personnage principal est fasciné par Paris, il était donc essentiel de voir la ville. C’était important pour la narration du film de montrer ces lieux et leurs différences, « ici » opposé à « là-bas ». Je voulais aussi représenter la nostalgie qu’éprouvait Omid pour son pays : c’est ce que nous voyons à travers ses yeux dans son rêve. Je voulais m’approcher d’un style réaliste, afin que la disparition du cœur soit perçue comme un événement choquant.
À quel point connaissez-vous Paris, où Omid s’est installé avec sa famille ?
Je vis à Paris. J’ai de la famille dans cette ville, et je m’y sens presque comme chez moi, même si cette idée, encore aujourd’hui, reste assez vague pour moi. Paris possède deux visages : l’un sublime et l’autre cruel. J’ai vu beaucoup d’événements choquants dans cette belle ville.
Pourquoi vous êtes-vous également intéressée au sujet du trafic d’organes ?
À cause de la découverte absurde d’une petite affiche accrochée sur un mur, avec l’écriture d’une personne indiquant qu’elle était prête à vendre son rein pour continuer ses études universitaires. Cela m’a hantée pendant des années. J’ai vu ce genre d’affiches à Téhéran, où je vivais auparavant. Cette réalité est tellement folle, c’est à peine croyable. Quand j’ai imaginé un personnage ayant perdu son cœur, l’idée de jouer avec le thème du trafic d’organes m’a évidemment traversé l’esprit.
Combien de temps avez-vous consacré à la création de ce court métrage ?
L’âge de ma fille me sert de repère ! J’étais enceinte quand j’ai commencé à écrire cette histoire, je viens de finir mon film et elle a deux ans et demi, donc je travaille sur ce projet depuis environ trois ans. Sur ces trois ans, il y a eu la pandémie de COVID-19, et j’ai eu la chance de pouvoir travailler tout au long de ces deux années stressantes.
Y a-t-il un court métrage qui vous a particulièrement marquée ?
Je pense en premier lieu à En avant de Mitchelle Tamariz. C’est l’histoire d’une jeune femme qui quitte sa terre natale. Son pull se détricote pendant qu’elle traverse le désert mexicain et forme un long fil qui la relie à sa maison jusqu’à la fin de son voyage. C’est une histoire bouleversante.
Selon vous, qu’est-ce qui fait un bon film ?
Un bon film est un film qui vous donne matière à réfléchir longtemps après l’avoir vu, un film qui est sincère et que le réalisateur se voyait dans l’obligation de tourner. C’est ce qui rend un film puissant.
Pour voir À cœur perdu, rendez-vous aux séances de la compétition internationale F1.