Lunch avec Furia (Furie)
Entretien avec Julia Siuda, réalisatrice de Furia (Furie)
Comment avez-vous imaginé les représentations physiques de la contrariété et de la colère qui monte ?
C’était assez simple parce que les méthodes d’abus du corps (la tête) sont étroitement liées à la source des sons qui m’irritaient. Par exemple, dans mon esprit, le bruit de la mastication vient de la langue, et c’est pour cette raison que le personnage principal se la fait arracher. C’est supposé apporter un sentiment de satisfaction (à moi ou aux spectateurs). Le plus compliqué a été de concrétiser tout ça et de le rendre réaliste, car je n’avais aucun point de référence. Je n’ai jamais vu personne faire un garrot de manière aussi peu orthodoxe. J’ai dû me reposer entièrement sur mon imagination, et je dois avouer que je suis assez satisfaite du résultat.
Pourquoi avoir choisi de ne représenter que des parties du corps et pas un corps entier ?
Cela ne m’a pas semblé nécessaire, car je voulais uniquement me concentrer sur ces parties du corps humain. Je pense qu’un corps entier n’aurait été qu’une source de distraction. Lorsque vous êtes en colère : seules ces parties existent et le reste du monde disparaît, vous laissant en tête à tête avec la source de votre irritation.
À quel point le moment de catharsis vous intéressait-il ?
Je voulais que les spectateurs soient soulagés, non pas parce qu’ils comprenaient leur colère, mais parce qu’ils avaient trouvé un moyen de la catalyser. Je voulais me donner la possibilité de traiter exactement comme je le voulais ce moment de pulsion et de rage. Et j’ai donc poussé les choses assez loin. J’étais un peu inquiète au début, quand j’ai eu l’idée de ce court métrage. À un moment donné, je me suis dit que cette volonté de blesser n’appartenait qu’à moi et que personne d’autre ne me comprendrait ou ne ressentirait la même chose que moi. Mais j’étais aussi curieuse de découvrir combien de personnes me jugeraient et combien s’identifieraient à moi. En fin de compte, certains spectateurs ont été dégoutés et d’autres en ont tiré un certain sentiment de satisfaction. Je pense que l’objectif est atteint !
Comment avez-vous travaillé sur le son ?
Comme nous manquions un peu de temps, nous avons décidé d’utiliser des sons déjà tout prêts. À l’origine de la création des bruitages, c’est la même méthode que celle utilisée pour Mortal Kombat. Pour faire simple, ils se sont servis de plusieurs légumes et les ont émincés, écrasés et coupés pour reproduire les sons des tissus qui se déchirent et des os qui se brisent. J’étais surtout déçue de ne pas pouvoir participer à l’enregistrement, car ça avait l’air amusant ! Mais j’espère pouvoir utiliser à nouveau cette méthode dès que possible.
Allez-vous réaliser d’autres films abordant ce genre de tensions intérieures ?
Dans un sens, on pourrait dire que oui… En réalité, j’espère que mon prochain film sera méditatif et apaisant.
Y a-t-il un court métrage qui vous a particulièrement marquée ?
Pas vraiment. Je me suis essentiellement inspirée du cinéma américain, et en particulier des films de Quentin Tarantino, notamment au niveau du visuel, ainsi que du cinéma polonais avec Day of the Wacko de Marek Koterski, qui décrit avant tout le sentiment que j’évoque dans mon film.
Selon vous, qu’est-ce qui fait un bon film ?
Pour moi, un bon film est un film difficile à oublier, un film qui vous fait réfléchir tout de suite après l’avoir vu. Pour autant, votre sentiment de connexion avec le film perdure pendant au moins plusieurs jours. C’est un film qui vous oblige à réfléchir.Si un film n’apporte aucune valeur ajoutée à ma vie, j’ai le sentiment d’avoir perdu mon temps. Il est nécessaire de pouvoir tirer de l’inspiration, une leçon ou de la satisfaction d’un film, et c’est valable pour n’importe quelle œuvre d’art.
Pour voir Furia (Furie), rendez-vous aux séances de la compétition labo L3.