Goûter avec Hafra’at Hitmotetut Hamoshava (Syndrome d’effondrement des colonies)
Entretien avec Amos Holzman, réalisateur de Hafra’at Hitmotetut Hamoshava (Syndrome d’effondrement des colonies)
Votre film traite de deux jeunes Israéliens , dont l’un essaie d’échapper au service militaire obligatoire. Qu’est-ce qui vous a incité à raconter cette histoire ?
Il est souvent facile d’oublier que les soldats sont des adolescents. Ils se font cueillir à 18 ans et on attend d’eux qu’ils tirent un trait sur leur adolescence du jour au lendemain. Je voulais montrer la dissension du soldat ado, dissension qui fait partie des réactions normales et viscérales dans une atmosphère de devoir et de discipline. J’ai voulu capter une expérience de l’armée qu’on connaît bien mais dont on parle peu en Israël, le fait de ne pas vouloir être là. Pas au nom de grandes idées, mais parce que la jeunesse est précieuse.
Peut-on voir dans vos films le portrait d’une nouvelle génération, qui exprimerait à travers son refus du service militaire obligatoire l’espoir d’un avenir différent ?
À travers ce film j’ai essayé de transmettre la tension entre la norme sociale du service militaire obligatoire en Israël et le désir d’être libre de ses choix et de sa vie qui caractérise la fin de la jeunesse. Je pense que cette tension sous-tend l’ensemble des luttes sociales de la société israélienne. Je ne suis pas sûr de représenter ou d’évoquer une génération entière, mais j’ai l’espoir d’un avenir tout autre, même si c’est plus difficile que jamais de l’imaginer sous le régime actuel.
Qu’est-ce qui s’est avéré le plus difficile pour vous durant le tournage, et pourquoi ?
Le film a été tourné entre deux confinements dus au Covid-19, ce qui a été extrêmement difficile sur le plan logistique. Mais le plus difficile, ce fut le casting. Il nous fallait trouver des comédien·ne·s à l’allure suffisamment flexible au point de vue du genre. Nous avons reçu des actrices et des acteurs pour chacun des deux rôles principaux. Puis nous avons mis ensemble et essayé de faire correspondre ceux et celles que nous aimions en différentes variations. C’était un long processus, plus exigeant qu’à l’accoutumée, mais aussi un moment très particulier, et nous sommes très satisfaits du choix qui en a résulté.
Comment la collaboration avec les comédien·ne·s s’est-elle passée pour le développement des personnages ?
La première phase du développement consistait à essayer de transmettre cette flexibilité du genre. La création d’un récit comportant le moins d’informations possible sur les personnages est un aspect essentiel du film. Leur classe sociale, leur passé, et plus significativement leur sexe, n’est pas manifeste. Il nous a fallu travailler sur la gestuelle et le discours. Il fallait écrire un dialogue qui sans divulguer le genre resterait naturel et fluide. J’ai demandé aux comédien·ne·s de décider pour eux-mêmes le genre qu’il voulait donner à leur personnage, mais sans se le dire ni me le dire. Car la confusion n’est pas en eux mais en nous.
Quel est votre court métrage de référence ?
Choisir mon film préféré, c’est une tâche impossible. Mais je peux parler d’un court qui m’a en quelque sorte aidé pour la réalisation de celui-ci. Quand je cherchais à en découdre avec le scénario, on m’a recommandé de regarder le court-métrage de Chantal Akerman, I’m Hungry, I’m Cold (J’ai faim, j’ai froid). Ça m’a aidé à me libérer vis à vis de l’ambiguïté de mes personnages, ce qui les anime, et l’intrigue en général. Le film a son rythme à lui et un sens de l’humour particulier. Je l’adore et je conseille de le voir et de le revoir de temps en temps.
Que représente pour vous le festival de Clermont-Ferrand ?
J’ai entendu parler du festival du court métrage de Clermont-Ferrand depuis mon premier film (Panta Rhei), il y a douze ans. Ça a toujours été en haut de ma liste d’inscriptions de mes films aux festivals et c’est la première fois que j’ai l’occasion d’y participer et d’y aller. C’est bien sûr un jalon important et je m’autorise à me sentir très fier de moi.
Pour voir Hafra’at Hitmotetut Hamoshava (Syndrome d’effondrement des colonies), rendez-vous aux séances de la compétition internationale I11.