Goûter avec Slouch
Entretien avec Michael Bohnenstingl, réalisateur de Slouch
S’agit-il d’une histoire personnelle ? Vous êtes-vous inspiré de votre expérience ou d’une de vos connaissances ?
Quand j’étais à Louisbourg, je passais beaucoup de temps à jouer de la musique et à traîner dans notre salle de répétition avec d’autres musiciens. J’ai fini par remarquer un paradoxe intéressant : beaucoup de musiciens (surtout ceux qui sont doués) pensent que leur inspiration vient du désespoir, de la souffrance et de sentiments non résolus. Quand ils entrent dans une nouvelle phase de leur vie, plus saine émotionnellement parlant, ils ont peur de perdre leur élan créatif. Mais ont-ils raison ? Avons-nous vraiment besoin de traverser des problèmes personnels pour être créatifs ? Ces questions m’interpellaient, donc j’ai essayé d’y répondre dans Slouch.
D’où vient le titre Slouch ?
En anglais, « to slouch » signifie être assis la tête baissée, les bras ballants, être avachi. Ce verbe décrit parfaitement l’état intérieur et extérieur de mon personnage principal, c’est pour cette raison que j’ai choisi de l’appeler Slouch.
Pouvez-vous nous parler de vos choix concernant la musique et la bande originale ?
Pendant l’écriture, un objectif s’est dessiné : proposer plusieurs morceaux soulignant le développement créatif de Slouch, en passant de titres punks superficiels symbolisant l’apitoiement sur soi-même, à une berceuse sincère. Pour y arriver, j’ai rassemblé des dizaines de phrases musicales que j’ai improvisées à la guitare jusqu’à trouver les éléments clés pour chaque morceau. La structure de ces chansons a représenté un véritable défi. Je voulais que les spectateurs aient l’impression d’avoir entendu la totalité d’une chanson pop, quand il ne s’agit en réalité que d’un morceau très court d’une minute trente. Pour finir, j’ai collaboré avec des amis musiciens pour l’arrangement et l’enregistrement des versions finales. C’était sans aucun doute la partie la plus agréable du processus de production.
Comment décririez-vous votre style d’animation ? Qu’avez-vous envie d’explorer en tant qu’animateur ?
Je ne revendiquerai jamais le fait d’être un « animateur », car je suis loin d’exceller dans cette tâche. Au lieu de ça, j’essaye d’envisager mon animation comme un moyen de raconter une histoire. Et c’est ce que reflète mon style haché : je ne dessine que le nombre d’images minimum pour transmettre des émotions, l’histoire et les mouvements et je me concentre sur les émotions des personnages.
Y a-t-il un court métrage qui vous a particulièrement marqué ?
Pour tout vous dire, je m’inspire essentiellement de longs métrages en live action. C’est peut-être pour cela que mon film est inhabituellement long pour un court métrage d’animation. Pour autant, j’ai toujours aimé l’audace des courts métrages de Don Hertzfeldt et j’ai été particulièrement fasciné par Don’t Know What, le dernier court métrage expérimental de Thomas Renoldner. Son amour sincère pour l’avant-garde, associé à une joie palpable pour l’expérimentation, débouche sur une fantastique expérience.
Selon vous, qu’est-ce qui fait un bon film ?
Cela va peut-être sembler banal dit comme ça, mais ce que je recherche d’abord chez un réalisateur c’est l’authenticité. Ce n’est qu’après avoir perçu la sincérité d’une idée que je m’intéresse à la forme, à la virtuosité ou à l’esthétique. Si ces éléments vont de pair, cela peut donner un sacré bon film d’après moi. L’un des très bons côtés de « l’honnêteté », c’est que les films ont tendance à devenir drôles : il est impossible de porter un regard honnête sur la vie sans montrer sa belle absurdité.
Pour voir Slouch, rendez-vous aux séances de la compétition internationale I11.