Breakfast avec Titan
Entretien avec Valéry Carnoy, réalisateur de Titan
Qui (ou quoi) vous a inspiré le personnage de Nathan ?
Pour construire le personnage de Nathan, je me suis inspiré d’un ami d’enfance. Un jeune garçon turbulent et téméraire qui avait la fâcheuse habitude de me pousser dans mes retranchements. Un jeune homme qui pouvait aussi, dans les moments d’intimité, se montrer extrêmement sensible et doux. C’est ce double visage, tendre et violent à la fois qui m’a inspiré Titan.
Comment s’est déroulé le casting ?
Avec le directeur de casting, Thomas Xhignesse, nous avions la volonté de trouver des jeunes non professionnels issus directement du pays noir, l’endroit où se déroulait le récit. Avec la pandémie Covid-19, le casting s’est avéré compliqué, car tout était fermé (écoles, centres sportifs…). Nous avons donc sélectionné des profils sur base de photographies, et c’est dans un centre d’aide à la jeunesse que nous sommes tombés sur Mathéo, qui nous a directement impressionnés par la dureté de son regard et la douceur de sa voix. C’était essentiel que tous les membres du casting n’aient pas un visage archétypal (celui du gentil ou du méchant par exemple). Je voulais que chaque visage possède une certaine forme de tendresse, quelque chose de naïf et d’agréable à la fois.
Comment avez-vous travaillé avec vos jeunes acteurs ?
Étant donné que Mathéo n’avait aucune base en théâtre, il a participé à plusieurs stages sur une période de 3 mois, dans lesquels il a adapté le texte avec ses propres mots. On a ensuite discuté du sous-texte de chacune des scènes pour qu’il parvienne à comprendre son personnage. Il fallait qu’il dissocie le jeu de la réalité, ce qui a été un processus complexe. J’ai ensuite organisé plusieurs séances de répétition avec différents adolescents qui venaient pour passer le casting, cela m’a permis de modeler le groupe en fonction des sensations et des affinités de Mathéo.
Parlez-nous un peu de vos choix cinématographiques. (Utilisation du téléphone…)
Il y avait une volonté de filmer les acteurs de manière très organique, en mouvement, et sans restreindre leurs déplacements. Je voulais éviter de sur-découper, tant que le plan fonctionnait dans la longueur, on le maintenait. Le téléphone portable devait initier le film, l’idée était de proposer une scène nerveuse et ultra naturaliste qui plonge immédiatement le spectateur dans l’intimité et la fougue du personnage principal. Le téléphone me permet de créer une rencontre quasi instantanée entre Mathéo et le spectateur.
Quelles sortes de sujets et de genres vous attirent en tant que cinéaste ?
J’aime raconter des histoires drôles et dramatiques à la fois, dans lesquelles il y a une confrontation directe entre deux individus, que cela soit en rapport avec leur milieu social ou avec leurs manières de voir le monde. Les récits d’émancipation me fascinent, particulièrement ceux qui concernent l’adolescence. C’est une période de nouveauté et de frustration, mais c’est surtout une période pendant laquelle on est dans la confrontation constante, que ce soit avec soi-même ou avec l’autre.
Y a-t-il un court métrage qui vous a particulièrement marqué ?
J’ai adoré le court métrage d’animation belge, Easter Eggs de Nicolas Keppens, et sa manière de parler tout en poésie de l’adolescence. Dans ce film, deux adolescents sont à la recherche de plusieurs perroquets rares qui se seraient évadés. L’un voit cette recherche comme un jeu, l’autre la voit comme une manière de grandir et gagner de l’argent. Les deux amis ne voient plus le monde de la même manière, ils grandissent chacun à leur vitesse, ce qui les mène directement à la discorde…
Selon vous, qu’est-ce qui fait un bon film ?
Dans un bon film, on parvient avec facilité à se projeter dans au moins un des personnages, on a même l’impression de l’avoir rencontré pendant le temps du récit, comme s’il était réel. Pour cela, il faut que ce personnage possède une certaine universalité tout en échappant aux clichés habituels. Il faut l’envahir d’un ensemble de micros détails qui vont le rendre attachant, original, mais aussi terriblement commun.
Pour voir Titan, rendez-vous aux séances de la compétition nationale F7.