Dernier verre avec Every Day’s Like This (Un jour comme les autres)
Entretien avec Lev Lewis, réalisateur de Every Day’s Like This (Un jour comme les autres)
Every Day’s Like This est un court métrage poignant sur le suicide assisté. Comment ce sujet délicat s’est-il imposé à vous ?
Étant donné que le film est en grande partie autobiographique, je me suis laissé guider par mon expérience personnelle. Bien que le sujet du suicide assisté soit toujours un sujet politique et matière à polémique, mon film montre des gens qui sont d’accord avec d’un point de vue politique (et plus ou moins d’accord d’un point de vue émotionnel). Dans l’écriture du scénario, le premier défi a été de s’assurer que le spectateur comprenne de quoi parle cette famille sans recourir à des dialogues invraisemblables du style « Il faut caler une date pour le suicide assisté de votre mère ». Comme on arrive au beau milieu d’une situation déjà établie, les personnages ont déjà leur façon de dire les choses entre eux. Il fallait exposer la situation pour le spectateur tout en gardant des dialogues naturels, ce qui n’était pas évident.
Quel est le lien entre White Lie, un film dont vous avez assuré la musique et le montage, et ce court métrage ?
Au premier abord, le lien est que ces deux films évoquent la maladie, mais c’est une coïncidence. Le véritable lien réside dans mon parcours (à défaut d’un terme plus approprié) de cinéaste. Ces deux films sont le fruit d’une réflexion approfondie de mes collaborateurs, Yonah et Calvin, et moi-même sur notre travail d’écriture et de réalisation, afin de trouver cet équilibre entre un projet personnel et un résultat accessible au grand public. Il a fallu constamment se demander comment utiliser nos idées et s’assurer qu’elles trouvent leur place dans le tournage, et avec ces deux films, j’ai l’impression que nous avons enfin franchi le pas.
Le film tourne autour du quotidien du père et de ses deux enfants adultes. Pouvez-vous nous parler de ce choix ?
Je voulais écrire quelque chose sur le combat de ma mère contre le cancer et la façon dont ma famille a vécu les choses, mais je ne savais pas exactement par quel bout prendre le sujet. Et comme j’ai une préférence pour les courts métrages qui n’en font pas trop, je savais qu’il suffisait de capter un moment précis sur lequel baser la structure narrative. Les deux idées suivantes m’ont permis d’écrire le scénario : 1) il ne se passerait rien et il n’y aurait pas de montée dramatique avec un personnage qui évoluerait entre le début et la fin du film (qui est ainsi devenu un film sur le moment le moins dramatique du mois le plus dramatique de la vie d’un homme) ; 2) l’image de la porte fermée que franchissent subrepticement différents personnages et derrière laquelle se trouve la mère mourante, que l’on ne voit jamais. Une fois ces jalons posés, j’ai axé toute l’écriture autour des personnages qui entraient et sortaient de la chambre de la mère, à l’étage.
Souhaitiez-vous toucher un public spécifique en écrivant ce scénario ?
Je sais que le public du court métrage est limité, je ne m’attendais donc pas à avoir le niveau d’audience de Chapeau melon et bottes de cuir, je savais bien que le film serait vu surtout s’il était pris dans des festivals. Voilà la seule conception d’un public spécifique que j’aie pu avoir en tête. À part ça, mes producteurs, Yonah et Calvin, sont toujours les premiers à lire mes scénarios, j’ai donc un peu à l’esprit ce qu’ils vont en dire. Pour un projet aussi personnel que celui-ci, je ne peux m’empêcher de penser aux gens que je montre dans le film, ou à ceux que je ne montre pas mais qui ont vécu une partie de ces événements. J’espère juste qu’ils trouveraient que j’ai su décrire cette tranche de leur vie.
Quel est l’avenir du format court métrage d’après vous ?
Je n’en sais rien du tout. Ça n’a pas été terrible pour Quibi, en tout cas.
Demain on reconfine, quels plaisirs culturels conseillez-vous pour échapper à l’ennui ?
Quand le Covid est arrivé au Canada, en mars, j’ai consulté le Top 250 de Sight & Sound et tenté de regarder tous les films que je n’avais pas vus. Les enfants du Paradis, Une belle journée d’été, Viridiana, et bien d’autres. J’écoute en vous écrivant The Desert Music de Steve Reich. Hier soir, j’ai joué à Mario Kart et écouté Songs from the Big Chair de Tears for Fears et Love Not Money de Everything But the Girl, puis j’ai regardé Inside Llewyn Davis pour la vingtième fois. En ce moment, je lis L’Envers du Paradis, et j’entamerai ensuite Paradiso de José Lezama Lima. Voilà ce qui m’aide à passer le cap.
Pour voir Every Day’s Like This (Un jour comme les autres), rendez-vous aux séances de la compétition internationale I9.