Lunch avec L’Arrivée du Soleil dans votre signe
Entretien avec Lisa Giacchero, réalisatrice de L’Arrivée du soleil dans votre signe
Les personnages de Karine et Sylvain sont-ils basés sur des personnes réelles ? D’où vous est venue l’idée de cette rencontre ?
J’ai beaucoup voyagé seule et observé que, parmi les voyageurs solitaires, il y a ceux qui tiennent à le rester et ceux qui se saisissent de chaque occasion pour aborder les autres. Ce point de départ m’a permis d’aller vers quelque chose de plus ample dans l’écriture : ce qu’on projette sur l’autre et ce que l’on se raconte de soi, et la manière dont certaines rencontres, même furtives, nous bouleversent et nous fabriquent.
Comment s’est déroulé le casting ?
Il n’y a pas eu de casting à proprement parler. J’apportais moins d’importance à des caractéristiques préétablies pour les rôles qu’à ma volonté de tourner avec des personnes dont la présence, la voix et les gestes me touchent et à la complémentarité qui pourrait exister entre elles. Je suis heureuse d’avoir réussi à faire ce film avec Laetitia Spigarelli et Jean-Benoît Ugeux pour qui je sentais une évidence avant même de les rencontrer. Leurs sensibilités à chacun et leur compréhension du projet ont confirmé mon désir de travailler avec eux.
Parlez-nous un peu des conditions de tournage, en particulier en pleine mer.
L’idée a toujours été de tourner en équipe très légère au cours de vraies traversées pour la Corse, avec une grande envie de tirer profit du contexte réel. Ces ferries naviguant aussi la nuit, nous avons rapidement décidé de tourner en journée et de dormir à bord pour faciliter notre logistique. Le Covid est ensuite passé par là, nous a fait perdre un an et a rendu impossible toute forme d’anticipation : moins de traversées et surtout aucune visibilité sur les rotations des bateaux qui diffèrent beaucoup les uns des autres… N’ayant pas la possibilité de faire des repérages pour chacun, j’ai beaucoup étudié photos et plans des différents navires en circulation, pour nous adapter à ce que nous trouverions. Nous avons finalement tourné sur quatre bateaux. Ces changements furent très contraignants mais ça nous a aussi permis de ne pas mobiliser trop longtemps les équipages à bord. Il a également fallu composer avec un environnement sonore très bruyant, avec des vitres équipées de filtres anti-soleil bleus peu flatteurs à l’image et surtout avec les mesures sanitaires en vigueur qui m’ont obligée, pour éviter les masques sur les visages, à être plus interventionniste que ce que j’avais imaginé.
Quel est votre parcours en tant que cinéaste ?
Mon parcours de cinéaste est tout neuf, c’est mon premier film ! J’ai suivi toute mon enfance et adolescence des cours d’art dramatique en pensant que je deviendrai comédienne puis étudié le cinéma à l’université, avant d’entrer à la Fémis dans la filière distribution/exploitation. J’ai ensuite travaillé comme exploitante et programmatrice en France et à l’étranger. Mon rapport au cinéma a, en fait, longtemps relevé de la cinéphilie, sans attrait particulier pour les tournages et la fabrication. Puis, j’ai occupé pendant deux ans le poste de chargée de mission cinéma à l’Institut français du Liban à Beyrouth où mon champ d’intervention était plus large et où j’ai davantage travaillé au contact de réalisateurs, de scénaristes et de producteurs. Cette expérience fut déterminante dans mon parcours et m’a conduite, à mon retour en France, à me rapprocher de la création, comme assistante réalisation puis en développant mes propres projets.
Quels sont vos projets ?
Continuer ! J’ai amorcé plusieurs projets en écriture mais j’aimerais surtout réussir à tourner plus vite cette fois-ci et un peu différemment. Pour ce premier film, il était indispensable d’avoir un scénario très écrit, pour le financement bien sûr, mais aussi pour convaincre des gens de travailler avec moi. Maintenant, j’adorerais essayer de travailler en laissant plus d’espace aux acteurs et à la présence des choses au moment de tourner, sans figer le récit et même si possible, en alternant temps de tournage et montage. J’aimerais aussi beaucoup co-écrire avec d’autres réalisateurs sur d’autres projets que les miens.
Y a-t-il un court métrage qui vous a particulièrement marquée ?
J’aime énormément Un monde sans femmes de Guillaume Brac et Le Film de l’été d’Emmanuel Marre. J’aime aussi beaucoup tout le travail de Valérie Mréjen.
Selon vous, qu’est-ce qui fait un bon film ?
Ce que résume Robert Bresson dans Notes sur le cinématographe : « rien de trop, rien qui manque ». Je suis impressionnée par une simplicité qui contient tout.
Pour voir L’Arrivée du soleil dans votre signe, rendez-vous aux séances de la compétition nationale F6.