Lunch avec Los Conspiradores (Les Conspirateurs)
Entretien avec Luis E. Parés, réalisateur de Los Conspiradores (Les Conspirateurs)
Pourquoi vous êtes-vous intéressé à ce sujet et à ces protagonistes ?
J’adore les films dans lesquels un personnage raconte une histoire, car j’adore en écouter et entendre quelqu’un donner sa voix à une histoire. Je me moque qu’il s’agisse d’une histoire vraie ou non, j’aime la mélodie de la narration. C’est pour cette raison que j’ai toujours voulu réaliser un film avec des personnages racontant une histoire. Mais je voulais aussi réaliser un film parlant d’une personne enfermée à cause de ses idées politiques. J’ai lu de nombreux livres sur des activistes clandestins ou sur la vie politique secrète et au bout d’un moment, j’ai décidé d’associer ces deux envies.
Pourquoi avoir choisi d’écrire sur ce contexte historique en particulier ?
Mener des recherches sur l’opposition au franquisme est une de mes obsessions. Aujourd’hui, j’ai l’impression que tout le monde s’est battu contre Franco, que tout le monde a été démocrate avant la démocratie, comme si Franco n’avait eu aucun soutien. Mais c’est loin d’être le cas. Certaines figures de la gauche ont tenté de faire bouger les choses, mais elles ont toutes fini en prison ou en exil. Il n’y avait pas grand-chose à faire : la police avait des espions dans chaque usine et chaque université. Être anti-franquiste était une sorte d’attitude, de façade. Je pense que l’Espagne doit réécrire son Histoire pour pouvoir construire un futur plus réaliste.
L’un des aspects les plus intéressants de votre film est la réflexion sur la réalité d’un événement et sur le souvenir que nous en gardons. Pourquoi avoir choisi de montrer ce décalage à l’écran ?
Cette différence entre ce dont nous nous souvenons et ce que nous avons réellement vécu est l’essence même de notre vie. Si nous étions capables de nous rappeler chaque seconde de notre vie ou la moindre de nos actions, nous mourrions, car la vie est remplie de souffrance, d’erreurs et de regrets. Nous créons notre propre trajectoire à chaque seconde, car nous changeons constamment, notre point de vue évolue lui aussi et la conscience que nous avons de nos vies doit évoluer également. Il faut que nous soyons convaincus que notre vie a un sens et une certaine cohérence. Cela ne veut pas dire que nous sommes des menteurs, mais que nous sommes de simples êtres humains.
Y a-t-il un court métrage qui vous a particulièrement marqué ?
Il y en a beaucoup ! Avant de tenter de devenir réalisateur (et je suis encore loin d’en être un), je suis un passionné de cinéma, un cinéphile. Quand j’ai imaginé Los Conspiradores, des milliers d’images me sont venues à l’esprit, de celles des films de Rainer Werner Fassbinder à celles du Quai des brumes de Marcel Carné. Je voulais raconter une histoire à la fois lyrique et épique. Quand je devais expliquer aux membres de mon équipe comment j’imaginais une situation, l’appartement, les vêtements ou un cadrage, je mentionnais toujours deux films : Dialogue d’exilés de Raúl Ruiz et L’Ambassade de Chris Marker, qui est un court métrage.
Selon vous, qu’est-ce qui fait un bon film ?
Pour moi, tous les films sont des bons films : c’est tellement difficile de terminer un film, d’avoir une idée et d’être capable de la filmer, que lorsque vous avez réalisé un film, c’est toujours synonyme de succès. Je ne pense pas que la qualité d’un film soit si importante que cela : j’adore regarder des films de série B ou Z. J’évite de dire « c’est un mauvais film ». Mais les films que je préfère sont ceux qui racontent à la fois la grande et la petite histoire. Mais je ne sais pas pourquoi je raconte tout ça, car mon film préféré c’est Les demoiselles de Rochefort.