Goûter avec Sourdingue
Entretien avec Victor Boulenger, réalisateur de Sourdingue
Qu’est-ce qui vous a donné envie de réaliser Sourdingue ?
Différents ingrédients :
– L’acquisition de sonotones est un achat vital que je me dois d’acquérir depuis quelques saisons, en effet mal entendre fait partie de mon perso.
– Figurez-vous qu’outre cette étrange faute de frappe dans mon nom, mon père fût réellement artisan boulanger quelques temps durant.
– Une commune française située dans le département de l’Eure en région Normandie prénommée Pîtres où vivants et défunts me sont plus que sanguinairement généalogiques.
À cela des pincées propres de mélancolie, de nostalgie, d’amour et de poésie. Et le tout scénariser dans un shakeur à fiction !
Pourquoi aviez-vous envie de travailler sur les sens, en particulier ici sur l’ouïe ?
Au ciné, il y a Regarder et Écouter. Mes oreilles défaillantes me font vivre de nombreux malentendus. Ma pâte à modeler première s’appelle quotidienneté & réalisme, que je décide de malaxer par le biais du cinoche. J’ai donc poétisé mon ouïe perplexe ; sens expérimentable et démontable sur grand écran.
Qu’est-ce qui vous intéressait dans le rapport à la fin de vie ?
Mourir est une atroce fatalité quelque peu obsédante dans tout ce que je peux tenter d’œuvrer. L’éternité étant un mirage. Et mon historique s’agrandissant de bye bye définitifs et ressentis ; je suis quelque peu envoûté par nos fantômes. Moi-même condamné à en devenir un ; j’utiliserai jusqu’à ce que les ventolines ne fassent plus effet, le faire semblant enfantin du jeu pour me confronter à l’issue.
À quel point vouliez-vous évoquer l’amour qui transcende les épreuves de la vie et envisagez-vous de réaliser d’autres films sur cette thématique ?
Je ne peux rien faire sans. Il me faut inévitablement aimer l’Autre pour œuvrer. Si non, il n’y a rien. La vie réelle est pitoyablement insupportable sans l’amour. J’ai bêtement couru sous la pluie par amour et pourtant mon cœur palpitait gaiement de cela ; j’en suis certain. On apprend paraît-il de sa propre existence, aux regrets, aux remords, je sais qu’aimer au fond est la seule et réelle religion digne de la beauté et de la bêtise de l’Homme. Tout ce que je ferai parlera d’amour sentimental, d’amour physique ; ils me permettent d’oublier l’objet de la question d’avant.
Y a-t-il un court métrage qui vous a particulièrement marqué ?
Le Sabotier du Val de Loire de Jacques Demy datant de 1955. Vingt-trois minute du Peu de Chose digne. Il y a l’amour des anciens, l’amourette des jeunettes – Il y a le trépas, « c’est dans l’ordre, mais tout de même… » – Les sabots, souliers du naguère et les mains usées qui façonnent. Il y a une pudeur qui à chaque nouveau visionnage me va droit au cœur et à l’âme – D’une ère, d’une destinée que jamais je ne pourrais connaître même une once de leurs ventrailles, et pourtant ce court film à la voix off somptueuse de Jacques Demy lui-même, me permet d’aborder l’existence avec un dépouillement dévoué vers ma propre fatalitéterrestre.
Selon vous, qu’est-ce qui fait un bon film ?
Un rythme d’image-son-corps où tout pulse. Je sors de la salle, il fait toujours nuit, et pourtant j’étais avant si fort ailleurs et je veux le rester encore : autre part, dans un autre destin. Mon corps souhaite se déguiser comme le personnage. Mes oreilles réécouter ses mélodies. Mes yeux cligner dans ses couleurs. Un bon film, c’est un film où on y reste même quand il y a The End.
Pour voir Sourdingue, rendez-vous aux séances de la compétition nationale F3.