Goûter avec Takanakuy
Entretien avec Vokos, réalisateur de Takanakuy
Quel a été le point de départ de Takanakuy ?
Takanakuy est une tradition provinciale du Pérou au cours de laquelle on résout les différends par la violence. Pour les habitants, c’est un rituel cathartique. Ce film en est aussi un pour moi, c’est un récit dans lequel je reformule les questions liées au concept de masculinité que je me pose depuis l’enfance.
Pouvez-vous nous en dire plus sur ce rituel ? Qu’est-ce qui vous a poussé à en faire un film ?
Le mot « Takanakuy », qui a donné son nom au rituel, signifie « se frapper ». Ce rituel se tient depuis 200 ans tous les 25 décembre, jour de Noël, à Chumbivilcas, au Pérou. Les hommes, les femmes et les enfants sont invités à « régler leurs comptes » physiquement, dans une démarche de résolution de conflits. Il y a des règles à respecter, par exemple, il est interdit de frapper son adversaire lorsqu’il est à terre. J’ai appris l’existence de Takanakuy en tombant sur la photo d’un homme portant un masque de ce rituel. Par curiosité, je me suis mis à faire des recherches. J’ai vu dans ce rituel une métaphore très crue de l’influence de l’idée de virilité sur la construction sociale de la masculinité.
Comment s’est passé le tournage dans une région aussi reculée des Andes péruviennes ? Quelle a été la principale difficulté à surmonter ?
À partir du moment où j’ai décidé d’évoquer un rite culturel, il était primordial de le faire le plus fidèlement possible. Il fallait filmer dans un village où Takanakuy a vraiment lieu : nous avons choisi Llique, une des huit villes de la province de Chumbivilcas, à neuf heures de route de Cusco. Pour moi, la principale difficulté, c’était la communication : la plupart des habitants ne parlent que le quechua. Il a aussi fallu expliquer comment se déroulait un tournage, car aucun film n’avait été tourné dans cette région. Notre projet a été présenté aux habitants par le biais de la radio locale, et c’est d’ailleurs comme cela que nous avons trouvé certains de nos acteurs.
Est-ce que le film a été projeté dans les Andes péruviennes, sur les lieux du tournage ? Si oui, quelle a été la réaction du public ?
Non, pas encore. La première projection aura lieu l’an prochain sur la place principale de Llique, à l’endroit exact où on a tourné la scène finale de combat.
Quel est votre court métrage de référence ?
C’est une question difficile, je n’ai pas de préférences très marquées d’une manière générale. J’aime beaucoup le film L’Île aux fleurs, de Jorge Fortado, qui a remporté le prix du Jury à Clermont-Ferrand en 1991. C’est un regard social sur le voyage d’une tomate de sa culture à sa consommation.
Que représente pour vous le festival de Clermont-Ferrand ?
La reconnaissance d’un projet est importante, pour moi mais aussi pour toute l’équipe, qui s’est investie de tout son cœur dans ce récit qui remet en question le conservatisme et les préjugés. Toute cette aventure est faite pour que nous remettions en question nos propres préjugés. C’est une chance énorme de pouvoir figurer dans la compétition internationale du festival de Clermont-Ferrand.
Pour voir Takanakuy, rendez-vous aux séances de la compétition internationale I7.