Dernier verre avec The Flood Is Coming (Le déluge arrive)
Entretien avec Gabriel Böhmer, réalisateur de The Flood Is Coming (Le déluge arrive)
Qu’est-ce qui vous intéressait dans le fait de traiter de la relation entre l’Homme et la Nature ?
Car les discours actuels sur la question écologique ne vont pas dans le bon sens. Nous avons une fenêtre d’action restreinte pour décider de la direction à prendre sur cette relation. Alors cela trotte dans ma tête.
Quel est votre intérêt pour l’absurde et la peinture abstraite ?
J’aime le principe de la libre interprétation. Il y a quelque chose d’amusant dans le fait d’impliquer les gens et de les laisser trouver leur propre signification. Souvent ils finissent par se projeter eux-mêmes dans ce genre de proposition. Je prends plaisir à ce transfert d’appropriation. On est dans une conversation, pas dans un monologue. Je suis aussi amateur d’absurde et d’abstrait. Les nouvelles de Nikolai Gogol et Le nezen particulier, ont été des influences importantes pour ce film. Je suis fasciné par la logique des rêves et les pensées fugaces. Je les écoute très attentivement. On peut souvent y trouver des vérités et une lucidité. Mais peut-être que j’ai passé trop de temps dans cet espace. L’absurde finit par sembler très ordinaire si on n’y prête pas garde.
Comment travaillez-vous habituellement votre style graphique et pourquoi avez-vous choisi cette texture rouge en fond ?
En général j’essaie de développer un langage visuel de l’expérience du personnage. Dans ce cas, j’ai testé différentes techniques et figurations pour le sentiment de malaise. Au final, j’ai opté pour des représentations de stress et de dissociation. Durant mon processus de création, je vais habituellement m’immerger dans des musées et consulter des archives pour voir si quelque chose me parle. Pour The Flood Is Coming j’ai été très inspiré par les gravures sur bois de Lygia Pape et les films expérimentaux de Marcel Duchamp. Pour le fond, j’ai regardé les représentations de la Nature au fur et à mesure des époques. De l’impressionnisme aux peintures rupestres je retrouvais sans cesse cette couleur crayeuse. Quelque chose de très intuitif et éventuellement nostalgique en émanait et cela a jeté les bases pour le fond du film ainsi que pour sa palette générale. Pour la texture, c’est un chiffon en coton recyclé. À certains moments du film, je le déchire ainsi que d’autres matériaux, car la structure du monde de l’ermite est en train de s’effondrer.
Aimez-vous les documentaires animaliers et les films d’exploration et de vie sauvage ? Et à quel point appréciez-vous les séjours en pleine Nature ?
Oui, en effet. Dersou Ouzala d’Akira Kurosawa et le livre Walden ou la vie dans les bois d’Henry Thoreau me viennent immédiatement à l’esprit. J’aime profondément être en plein air. Si je fais semblant d’être un animal domestique trop longtemps, je deviens un peu grincheux. J’aime particulièrement les longues randonnées. Si je ne rencontre personne pendant une longue période c’est mieux, car, en fait, je peux être un peu ermite. Et si je peux un peu me perdre, c’est toujours un plus. Il y a un frisson merveilleux dans cette légère sensation de péril.
Y a-t-il des libertés que le format court métrage vous a apportées en particulier ?
Je pense que la tonalité de ce film se prête bien au format court. Si le concept devait être décrit sur une durée plus longue, ça pourrait être écrasant. Il faudrait ajouter des pauses peut-être. La limite de durée m’a permis de me sentir libre de rester vraiment focalisé.
Pour voir The Flood Is Coming (Le déluge arrive), rendez-vous aux séances de la compétition labo L5.