Dîner avec Three Songs for Benazir (Trois chansons pour Benazir)
Entretien avec Gulistan Mirzaei et Elizabeth Mirzaei, réalisateurs de Three Songs for Benazir (Trois chansons pour Benazir)
Comment avez-vous rencontré Benazir et Shaista ? Qu’est-ce qui vous a donné envie de faire un documentaire avec eux ?
Nous les connaissons depuis plus de 11 ans. Nous avons rencontré Shaista alors que nous étions dans le camp pour un autre projet bénévole. Nous avons eu l’impression de le connaître depuis toujours. Son sourire était désarmant, si grand et si rayonnant, et son rire de petit garçon résonnait à travers le camp. Avec le temps, nous sommes devenus amis très proches. Il venait manger chez nous ; la première fois qu’il est allé à la piscine, c’est nous qui l’y avons amené ; et nous l’avons accompagné à l’hôpital lorsque ses proches étaient malades. Il nous captivait déjà, mais ce n’est que plusieurs années d’amitié plus tard que nous lui avons demandé s’il voudrait bien nous laisser filmer une partie de sa vie. C’est de là que le film est parti, et ç’a été une aventure de plusieurs années pour arriver jusqu’ici.
Comment avez-vous vécu le tournage dans ce camp de migrants forcés ?
C’est le premier film, à notre connaissance, à avoir été tourné dans un camp de personnes déplacées à Kabul. Cela n’aurait pas été possible si nous n’avions pas déjà été proches de Shaista, Benazir, et de leur famille. Beaucoup d’autres personnes se sont habituées à nous avec le temps et nous ont autorisé à revenir régulièrement.
Est-ce que Benazir et Shaista ont vu le film, et si oui, qu’en ont-ils pensé ?
Shaista a vu le film sur WhatsApp. Un de nos producteurs, Homayoun, a rendu visite à Shaista et Benazir dans le camp et leur a montré le film sur son téléphone. On l’a vu sourire tout le long. La première fois qu’il a vu le film, c’était une période très difficile pour lui ; il nous a dit que ça lui avait rappelé des souvenirs d’espoir.
Quels ont été les avantages et les inconvénients de ce travail à deux sur votre documentaire ?
Nous sommes mariés depuis 10 ans. Avant de se marier, nous étions meilleurs amis (et c’est encore le cas !) et collègues. Donc, on avait déjà l’habitude de travailler ensemble, et on savait comment nos talents respectifs se complétaient. Pendant qu’Elizabeth regarde à travers l’objectif et filme, Gulistan garde les yeux ouverts et les oreilles tendues vers tout ce qui se passe. On se connaît tellement bien que, parfois, on n’a même pas besoin de parler. En même temps, travailler sur un film sur autant d’années, qui plus est sur une histoire qui nous touche de si près, ça finit par prendre beaucoup de place dans notre vie. Il est important de trouver un équilibre, afin que tout ne tourne pas autour du travail.
Y a-t-il un court métrage qui vous a particulièrement marqués ?
Un film qui nous revient en mémoire spontanément, c’est A Gentle Night de Qiu Yang. La réalisation est magnifique et sait nous mettre au plus près de l’état d’esprit et de ce que traverse la protagoniste.
Selon vous, qu’est-ce qui fait un bon film ?
La surprise, déjà. Ensuite, les bons films sont des films qui nous aident dans notre rapport au monde et aux gens. En fin de compte, la description que donne Andreï Tarkovski de la fonction de l’art nous parle bien : « Le but de l’art est de préparer une personne à sa mort, de labourer son âme et d’y passer la herse, afin de la rendre capable de se tourner vers le bien. »
Pour voir Three Songs for Benazir (Trois chansons pour Benazir), rendez-vous aux séances de la compétition internationale I10.