Dîner avec Train Again
Entretien avec Peter Tscherkassky, réalisateur de Train Again
De quoi vous êtes-vous inspiré pour Train Again?
J’ai trouvé ces merveilleuses images de trains quittant des tunnels et s’approchant de la caméra, ce qui m’a rappelé une nouvelle fois le film des frères Lumière, L’Arrivée du train en gare de la Ciotat, qui m’avait déjà inspiré mon premier film, L’Arrivée, en 1997. Partant de là, le pas était vite franchi pour lui donner le titre Train Again – lequel titre évoquait tellement 37/38 Tree Again de Kurt Kren, qu’il était impossible de ne pas dédier tout le film à la mémoire de Kurt, décédé en 1998.
Comment avez-vous collecté les images ? Est-ce que vous aviez déjà en tête les séquences ou est-ce que vous les avez construites après-coup, en les visionnant les images ?
J’ai passé trois automnes, trois hivers et trois printemps dans le studio à créer le film, et pendant ce temps il a mûri, étape par étape – ou gare par gare, si vous préférez. Il s’est comporté comme un être vivant, comme un arbre qui pousse peu à peu.
Est-ce que les transports vous intéressent en général ? Êtes-vous un passionné de la voie ferrée ? Avez-vous d’autres films de prévus sur ce thème ?
Non, pas du tout. Et je n’ai pas d’autres films sur les trains de prévus à ce jour.
On dirait que vous avez conçu Train Again comme un voyage en lui-même. Est-ce que vous avez donné un nom à sa destination ?
Oui, le film est destiné à créer des sensations similaires à celles qu’on peut éprouver dans un trajet en train quand on regarde par la fenêtre. Mais à la place du déroulement du paysage on voit des bouts fragmentés de l’histoire du cinéma, et, lentement mais sûrement, on s’y voit venir à la décomposition complète de la représentation cinématographique analogique. Le nom de la destination serait donc : « Terminus du film analogique ».
Y a-t-il un court métrage qui vous a particulièrement marqué ?
Oui, tous les films de Pat O’Neill, notamment Runs Good et Easyout. Il y a aussi plusieurs classiques de l’avant-garde des pionniers du cinéma, en particulier de l’avant-garde française, comme Le Ballet mécanique de Fernand Léger ou les films de Man Ray comme Le Retour à la raison ou Emak Bakia. Ces derniers sont d’ailleurs tous cités dans Train Again.
Selon vous, qu’est-ce qui fait un bon film ?
Un bon film, c’est plusieurs choses à la fois, il est multi-strates, pour ainsi dire : intelligemment construit, mais à la fois hautement divertissant, et si possible avec beaucoup d’humour. Et il devra faire un usage intelligent de l’espace de l’écran, c’est-à-dire créer une expérience qui ne peut pleinement s’accomplir qu’au cinéma, plutôt que chez soi sur le téléviseur, ou que sur un écran au musée. Le message subliminal d’un bon film est : il faut garder le cinéma vivant.
Pour voir Train Again, rendez-vous aux séances de la compétition labo L2.