Dîner avec Mort aux codes
Entretien avec Léopold Legrand, réalisateur de Mort aux codes
Comment avez-vous connu le livre de Patrick Pelloux ? Y décrivait-il exactement la situation ubuesque que rencontrent ces sauveteurs ou avez-vous pris quelques libertés d’adaptation pour l’écran ?
En 2016, Fréderic Brillon, producteur chez Epithète Films, m’a conseillé la lecture de Toujours là, toujours prêt. Il trouvait les différentes chroniques sensés et percutantes. Mort aux codes pose la question de l’ultra sécurité. Aucun code ne peut empêcher la mort d’entrer dans nos appartements alors qu’ils ralentissent considérablement la progression des secouristes. Mon travail d’adaptation a consisté à créer les personnages, à choisir le point de vue, à inventer le rythme. De la chronique, j’ai conservé la situation de base et le ton.
Avez-vous entrepris une recherche auprès de sauveteurs pour préparer le tournage ?
J’ai travaillé avec le SMUR de Rambouillet durant l’écriture puis la préparation du tournage. Pour ne pas fabuler ni caricaturer cette intervention, j’ai eu besoin de sentir l’urgence, d’appréhender les attitudes, le langage, les dynamiques. Sur le tournage, un pompier était présent pour m’aider à préciser les gestes et s’assurer du réalisme que je souhaitais pour le film.
Êtes-vous intéressé par les films à suspense en particulier ? Qu’est-ce qui vous attirait dans le fait de travailler cet effet ?
Je n’ai pas un intérêt particulier pour les films à suspense mais j’aime que la tension aille crescendo. Avec Mort aux codes, je voulais surtout travailler l’urgence. J’étais très excité par l’idée d’un film en temps réel, sans ellipse. J’avais la sensation que pour que l’histoire touche, il fallait que le spectateur soit confronté avec les personnages à l’urgence de la situation et à la succession des codes. Il fallait donc une radicalité de point de vue (celui des urgentistes) et un dispositif de caméra et de son immersif et tendu. Le plan séquence s’est vite imposé et a été un très beau défi de mise en scène. C’est en effet très jouissif de concevoir un ballet entre l’équipe technique et les acteurs afin de provoquer une émotion (en l’occurrence, le stress) chez le spectateur.
Qu’est-ce qui vous intéressait dans la dernière scène, une fois l’intervention de secours terminée ?
Je redoutais un peu que Mort aux codes soit moralisateur car trop anecdotique. Évidemment, le film pose un regard sur l’absurdité de l’enfermement et le danger du repli sur soi mais je voulais aussi essayer de rendre hommage aux personnes dont le métier est de nous porter secours. Ainsi la dernière scène, plus quotidienne, permet de rendre compte d’une routine, de s’attarder sur des hommes, de faire tomber l’uniforme.
Y a-t-il des libertés que le format court métrage vous a apportées en particulier ?
J’aime le court parce qu’il oblige à être radical, à oser une proposition narrative ou formelle. Beaucoup de longs métrages filment un scénario avec une caméra descriptive qui ne raconte pas grand-chose en se raccrochant à l’histoire. Le format court proscrit cela et appelle indéniablement la mise en scène. Mon obsession avec Mort aux codes était de tenir un rythme et de faire fonctionner le hors-champ. J’avais la conviction que si je maitrisais ces deux éléments, l’urgence deviendrait contagieuse et les codes terriblement frustrants. A vous de me dire si c’est réussi.
Pour voir Mort aux codes, rendez-vous aux séances de la compétition nationale F12 et du programme Scolaire.