Lunch avec Ovan Gruvan (Ovan Gruvan – au-dessus de la mine)
Entretien avec Théo Audoire et Lova Karlsson, coréalisateurs de Ovan Gruvan (Ovan Gruvan – au-dessus de la mine)
Comment avez-vous connu la situation de cette ville ?
Lova y était passée plusieurs fois, et a alors entendu parler des déménagements. Kiruna repose sur la plus grande mine de fer de l’Europe, et l’activité minière menace certains quartiers d’effondrement. Il s’agit notamment du centre, qui est en train d’être déplacé 3 kilomètres à l’est de sa localisation initiale. Certaines habitations imposantes sont déplacées d’un bloc, d’autres sont détruites. Quand on a appelé LKAB, la mine, en charge du déménagement, on nous a dit que les prochains déplacements auraient lieu une semaine après l’appel, puis c’était fini pour trois ans. Nous avons vite décidé d’y aller, aloxrs qu’on venait seulement d’évoquer la vague idée du film. L’écriture s’est dépliée un peu comme une investigation, au fur et à mesure qu’on rencontrait les habitants, qu’on filmait mais surtout une fois qu’on était au montage.
Quelles techniques d’animation avez-vous employées dans Ovan Gruvan ?
C’est comme un collage vidéo, ce sont des techniques d’animation assez bricolées, des trucages à la Méliès. Nous avons utilisé uniquement des images tournées sur place à Kiruna – modèles, maquettes, paysages, vues de la mine – puis avec le logiciel de montage nous avons animé des parties de l’image, nous avons joué à mélanger les échelles, les endroits. Tout cela pour souligner le côté très plastique de cette ville, où rien n’a de place fixe, tout bouge, le sol, les maisons, les bâtiments… Et aussi pour amener l’artifice, une ambiance de conte, pour flouter les limites vers la fiction.
Comment avez-vous travaillé le rapport à l’aspect documentaire de votre image ?
Toutes les images sont tournées à Kiruna, on pourrait dire qu’elles sont documentaires au sens où rien n’est mis en scène. Pour trouver une cohérence visuelle, on a choisi une construction assez rigoureuse avec des lignes droites qui fait appel à la photographie documentaire. Après nous avons pris beaucoup de libertés par rapport à ce qui se passe réellement. Ce que nous laissons hors-champ amène un côté illusoire. Le son est entièrement reconstruit en studio, la narration passe par des faux messages talkie-walkie et des échantillons radio, une composition musicale originale et une reprise d’une chanson traditionnelle dont nous avons changé les paroles… Les images sont peut-être ce qui ancre le film à Kiruna, mais on est partis de là pour aller ailleurs. Un aspect poétique s’ajoute à l’aspect documentaire – c’est comme ça que nous avons choisi de raconter une version de cette histoire, d’une ville dont nous ne sommes pas habitants.
Qu’est-ce qui vous intéressait dans la question de la maison, du foyer ?
Les maisons sont en quelque sorte les personnages principales du film. C’est l’image de ces villas en déplacement qui nous a interpelés en premier lieu et qui nous a donné l’envie d’aller filmer. La question comment habiter revenait beaucoup. À la base, ces images nous évoquaient le déracinement du foyer, et on s’attendait en arrivant à une situation assez déroutante. Finalement, on a été surpris de découvrir qu’au contraire, ces déplacements étaient tout à fait inscrits dans le quotidien de Kiruna, cela ne brusquait pas les personnes que nous avons rencontrées. On entendait souvent « c’est comme ça, c’est ce que c’est ». Explorer ce rapport tout particulier à la maison, au lieu où l’on habite, nous intéressait. Avec les plans des villas qui bougent, nous avons fait le choix de ne pas montrer les dispositifs qui les soulèvent, tout se passe comme si les maisons de Kiruna avaient pour habitude de changer d’adresse de temps en temps. On veut traduire quelque chose de ce que nous avons ressenti sur place, de faire un portrait de cette ville et de ses habitants, à travers ses maisons.
Quel est votre court métrage de référence ?
On a parlé des courts métrages de John Smith et de Niki Lindroth Von Bahr. Puis – ce ne sont pas forcément des courts mais – on a aussi pensé à Roy Anderson, il y a un clin d’œil à Nous les vivants dans la musique du film.
Que représente pour vous le festival de Clermont-Ferrand ?
Ce festival représente pour nous quelque chose d’un rêve ! On l’a visité dans le passé, on l’aime beaucoup, on n’aurait pas pensé y participer. Alors la réponse était une belle surprise, on est très heureux de faire partie de la programmation cette année. On a l’impression aussi que c’est un festival très inscrit dans la ville, notre représentation est teintée de ces environs volcaniques, on a hâte d’y retourner fin janvier !
Pour voir Ovan Gruvan (Ovan Gruvan – au-dessus de la mine), rendez-vous aux séances de la compétition nationale F10.