Goûter avec Elle est des nôtres
Entretien avec Maxence Voiseux, réalisateur de Elle est des nôtres
Pourquoi avoir situé l’histoire dans ce milieu ? Connaissez-vous bien l’élevage ? La région ?
L’histoire se déroule dans le milieu des marchands de bestiaux que je connais pour l’avoir filmé en documentaire. Je viens du documentaire et je réalise mes films dans le Nord de la France, sur un territoire qu’on appelle l’Artois. Il s’agit de mon territoire de cinéma : de documentaire et de fiction. Je ne connais pas tant l’élevage que ça autrement que par les éleveurs que je filme en documentaire. Ce que je connais mieux, c’est cette région que j’aime et où je vais continuer d’ancrer mon cinéma.
D’où vous est venue l’idée du personnage de Juliette ?
Le personnage de Juliette est parti d’un fait divers que l’on m’avait raconté pendant un tournage documentaire : un petit groupe de brigands s’introduisait dans les fermes la nuit pour tuer, découper et voler de la viande. À partir de ce fait divers (impossible à capter en documentaire…), j’ai voulu tramer l’histoire d’un personnage baroque qui s’introduirait dans les fermes la nuit. L’idée était de travailler le milieu des marchands de bestiaux mais à partir d’une figure extérieure. Juliette est devenue ce personnage qui s’invite dans un monde qui n’est pas le sien et qui ne lui est pas naturellement ouvert.
Comment s’est déroulé le tournage ? Avez-vous eu des soucis à tourner au milieu des vaches ?
Le tournage a été très intense : plusieurs semaines de préparation, neuf jours de tournage, un plan de travail spécifique pour nos vaches. Ma grande satisfaction a été de faire collaborer avec une équipe engagée et des personnes issues de mes films documentaires (notre dresseur Thierry Jourdel est un personnage d’un de mes films documentaires), des décors et de seconds rôles avec des gens que je fréquente et que je connais sur place. C’est une grande fierté aussi car je sais qu’ils ont rendu ce film possible. Tourner avec des bêtes est une démarche singulière car c’est parfois le vivant qui prenait le pas sur la cadence de travail. Il fallait donc souvent s’adapter, comme en documentaire finalement.
Quels types de sujets et de genres souhaitez-vous explorer en tant que cinéaste ?
Je veux continuer à filmer le territoire de l’Artois, à tourner et travailler avec les gens qui y vivent. Je souhaite également continuer à déployer des films de fiction mais à partir de geste documentaire. Je crois que c’est ma manière de fonctionner. La fiction devient possible pour moi quand elle est arrimée à une réalité, à un fragment de réel au départ. Je dirais que la problématique de la filiation et de l’émancipation est au centre de mon travail.
Y a-t-il un court métrage qui vous a particulièrement marqué ?
J’ai été marqué par le court métrage Le Cercle d’Ali l’année dernière qui était en sélection à Clermont. Je trouve que c’est d’une très grande maîtrise, et un geste de cinéma singulier (notamment sur la mise en scène des séquences de buzkashi et la construction au montage).
Selon vous, qu’est-ce qui fait un bon film ?
Un bon film, ce doit être un objet qui arrive à surprendre tout en répondant pour moi à deux impératifs : toucher et penser.
Pour voir Elle est des nôtres, rendez-vous aux séances de la compétition nationale F1.