Dernier verre avec A Guitar in the Bucket (Une guitare dans la besace)
Entretien avec Boyoung Kim, réalisatrice de A Guitar in the Bucket (Une guitare dans la besace)
Quel lien entretenez-vous avec la guitare et la musique ?
Je me suis toujours intéressée aux sons et j’aime beaucoup la musique. Si je n’avais pas réalisé de films d’animation, je pense que je serais devenue musicienne. J’ai fait le choix d’utiliser un instrument de musique dans ce court métrage, car c’est un outil qui permet à mon personnage de s’exprimer autrement qu’avec des mots. La guitare est un instrument qui ne peut pas produire le son désiré s’il manque une ou deux petites cordes, mais qui peut facilement être transporté.
À quel point souhaitiez-vous interroger le lien entre toutes les activités quotidiennes et l’argent ?
Comme le personnage principal de mon court métrage, nous sommes parfois trop occupés à accomplir des tâches qui incombent à d’autres. Même si nous gardons toujours nos désirs à l’esprit, ceux-ci peuvent se révéler difficiles à concrétiser. Et parfois, nous n’avons même pas le temps de penser à ce dont nous avons envie. Mais en même temps, de manière assez ironique, vous prenez alors vos distances avec les autres. Je pense que cela arrive à de nombreuses personnes. Plus nous rencontrons de difficultés dans notre vie quotidienne, plus nous nous isolons les uns des autres. Comment sortir de cette spirale sans penser à l’argent ? Je cherche encore une réponse à cette question.
Qu’est-ce qui vous interpelle dans les distributeurs automatiques ?
Il y a longtemps, quand j’étais designer et que je travaillais pour d’autres personnes, il m’arrivait de faire des journées de 18 h, voire plus. Un jour, j’ai vu des images d’un distributeur qui vendait des crabes vivants et dont la température était réglée pour les garder en vie. C’était vraiment très bizarre, mais j’ai aussi eu l’impression de me reconnaître dans ces crabes, avant que je ne comprenne que j’étais un de ces animaux qui attendaient d’être choisis. En réalité, presque tout peut se vendre et s’acheter et nous en payons le prix. Et c’est assez ironique que j’aie commencé à penser que la situation était encore plus effrayante et inhumaine après l’avoir observée dans un espace clos et inconnu. Même si seules les personnes (les vendeurs) ont été supprimées, les machines continuent de faire ce qu’elles font dans les processus de la distribution. C’est comme ça que l’idée du film a germé.
Pourquoi vous êtes-vous penchée sur le recul des interactions humaines et pensez-vous réaliser un autre film sur le sujet ?
Comme je le disais plus haut, les individus ont été effacés du processus, et tout cela se passe dans les coulisses. Ce thème me touche, mais je ne saurais pas vraiment dire pourquoi. Que se passerait-il si les êtres humains remplaçaient les machines ? Comment faire si vous ne pouvez vous déplacer qu’en fonction de ce que vous avez payé, sans aucune pensée ni idée ? Mais quelque part, on sort déjà du cadre de mon imagination car c’est déjà en train de se produire. Et il semblerait que les humains soient davantage remplacés par des objets – et non par d’autres humains. Cela a pour conséquence de nous éloigner encore plus. Néanmoins, j’ai du mal à atteindre mes objectifs et j’ai parfois le sentiment que je ne profite pas de ma vie à 100 %. Je pense que les sujets de l’isolement, de l’instrumentalisation des êtres humains et des relations humaines ne s’épuiseront jamais. Ils restent des thèmes clés pour moi. Dans plusieurs de mes réalisations précédentes, j’ai abordé ces relations et j’ai toujours envie d’écrire des histoires sur ce sujet. Je ne sais pas encore si cela sera sous la forme d’une animation ou d’un scénario, mais j’envisage de réaliser une série portant sur cette thématique. Collaborer à un autre projet m’intéresse également, mais j’ai toujours des doutes, car je ne veux pas réaliser quelque chose de trop sérieux ni de trop grandiose.
Y a-t-il un court métrage qui vous a particulièrement marquée ?
Il y en a tellement, c’est impossible de répondre. Je me permets de faire une petite digression, parce que certains estiment que le format court n’est qu’une étape avant de passer aux longs métrages, ou ne considèrent pas les courts métrages comme des films en tant que tels. Pourtant, il y a énormément de courts métrages fantastiques et il faut tordre le cou aux idées reçues. J’aime autant regarder des longs métrages que des courts métrages et je pense que chaque format a ses propres qualités. Je ne peux que remercier les réalisateurs qui font des courts métrages même après avoir déjà réalisé des longs métrages.
Selon vous, qu’est-ce qui fait un bon film ?
Je pense qu’aujourd’hui il est très difficile de définir ce qu’est un bon film. Mais comme dans n’importe quel art, même si vous avez un point de vue différent, pouvoir partager de nouvelles idées dans un film est une démarche très forte et peut représenter une nouvelle forme d’art. Si un film vous invite dans un endroit où vous pouvez découvrir un nouveau monde, même par le biais d’une petite idée ou d’un sujet mineur, c’est suffisant.
Pour voir A Guitar in the Bucket(Une guitare dans la besace), rendez-vous aux séances de la compétition labo L5.