Goûter avec Amarres
Entretien avec Valentine Caille, réalisatrice de Amarres
Qu’aviez-vous envie d’explorer au travers de la relation entre Livia et Louis ?
La complexité de l’amour fraternel. Il me semble qu’entre frère et sœur on est capable de sentiments extrêmes ; on peut haïr et aimer de façon inconditionnelle. Au départ, je voulais faire un film sur le cheminement intime d’une sœur face à la maladie de son frère, et finalement je crois qu’avant tout le film parle de fraternité ; de la profondeur de ce lien.
La relation entre le frère et la sœur est rendue particulièrement crédible par les interprétations d’Alice de Lencquesaing et de Jonathan Genet. Comment les avez-vous dirigés ? Être actrice vous-même vous aide-t-il à mettre en scène ?
Je dirais qu’être comédienne m’aide dans la direction d’acteurs. Comment trouver l’endroit de vérité dans le jeu et quel est le processus pour y faire parvenir un comédien, sont une de mes priorités. J’ai souhaité qu’Alice et Jonathan se rencontrent très en amont du tournage. Je procède de la même façon quand je monte une pièce de théâtre : travail à la table, puis un temps de répétitions. Nous travaillons entre autres sur le hors champ du film, comme par exemple le passé commun des personnages. Cela crée un sous texte et des liens précieux sur lesquels les acteurs peuvent s’appuyer. Jonathan Genet a cette beauté singulière et parfois étrange que je trouvais très appropriée pour la dualité du personnage. Après, c’est un rôle de composition. Nous avons échangé autour de nombreuses références de films. Ne voulant pas caricaturer le personnage nous avons travaillé en soustraction, laissant la maladie jaillir seulement par éclats. Jonathan est aussi un comédien de théâtre. Par petites touches nous sommes allés chercher l’éloquence, l’intensité d’un jeu théâtral qui nous semblaient intéressantes pour le personnage. Alice de Lencquesaing avait peu de texte, il fallait donc que tout passe par des silences et des regards. Scène par scène nous avons exprimé les sentiments du personnage puis elle les a intériorisés. Alice a cette capacité à nous faire lire sur son visage les émotions qui la traversent sans affectation. Tout est très vrai et très à vif. Nous n’avions plus qu’à chercher le juste équilibre.
Le cinéma ne se lasse pas d’explorer la complexité des rapports familiaux. Des œuvres ou des événements ont-ils inspiré l’écriture du scénario d’Amarres ?
Ce film est inspiré de mon histoire personnelle puis la fiction s’est mêlée à la réalité. De nombreux films m’ont accompagnée pendant l’écriture et tout au long de la création. Les Poings dans les poches de Marco Bellocchio est sans doute celui qui a le plus compté.
Quelle place tient Amarres au sein de votre filmographie ?
J’avais réalisé plusieurs très courts métrages, Amarres est mon premier film produit. Il est aussi mon premier film de fiction avec des acteurs professionnels. Les précédents se situaient à une frontière floue entre documentaire et fiction ; comme Les Anges, avec et sur des élèves en réinsertion scolaire ou le film chorégraphique sur la danseuse Fabienne Haustant.
Quel est votre court métrage de référence ?
J’ai un souvenir fort du Cri du homard de Nicolas Guiot. Il m’avait impressionnée par son scénario implacable. Il y avait aussi quelque chose à la Hanneke dans sa mise en scène que j’avais particulièrement aimé. L’univers de la réalisatrice Manon Coubia me touche beaucoup ; Les Enfants partent à l’aube avec sa mise en scène épurée et tendue. J’ai été aussi époustouflée par la puissance poétique de son dernier film ; Marée.
Que représente pour vous le festival de Clermont-Ferrand ?
Je suis venue une fois en tant que spectatrice et je me souviens avoir enchaîné les projections du matin au soir. C’est une chance qu’un tel rendez-vous du court métrage existe. C’est le seul endroit où on peut découvrir le travail de jeunes cinéastes internationaux. Je suis très excitée et flattée d’y participer.
Pour voir Amarres, rendez-vous aux séances de la compétition nationale F6.