Lunch avec Chienne
Entretien avec Bertille Estramon, réalisatrice de Chienne
Qu’est- ce qui vous à motiver à raconter cette histoire ?
Le point de départ était de faire un film traitant du sentiment d’injustice. J’ai repensé à ces histoires que j’ai vécues ou qu’on m’a racontées… Ensuite, je voulais voir un personnage féminin fort, qui ne se laisse pas faire. J’avais envie de voir une femme puissante à l’image.
Comment décririez-vous les motivations de Lucie ?
Lucie sent en elle monter une force jusqu’alors inconnue, déclenchée par le viol qu’elle a subi. Petit à petit, elle va suivre l’instinct animal qui se réveille en elle. Elle décide de se laisser guider, de faire confiance à ses tripes pour aller jusqu’à confronter son agresseur. Comme une nécessité pour avancer afin de devenir qui elle est par-delà le traumatisme.
Comment s’est déroulé le casting ? Quel travail avez-vous fait avec Martha Canga Antonio ?
Le casting a été long, s’est étalé sur plusieurs mois. J’ai vu une trentaine de jeunes comédiennes, entre 18 et 25 ans. J’ai rencontré Martha dans les dernières semaines. Étant donné qu’elle avait déjà joué dans un long, elle a été plus difficile à contacter ! Mais lors du casting où nous avons fait des improvisations avec elle, elle nous a complètement bluffés. Quand elle est sortie de la pièce, nous nous sommes regardés ma chef op, mon directeur de casting et moi, et c’était assez évident que ce devait être elle. Ensuite nous avons fait quelques répétitions avec elle, surtout de la scène de confrontation avec le comédien car il fallait trouver la justesse de cette scène. Sur le plateau, nous étions très concentrées et parlions beaucoup des motivations du personnage entre les prises.
La musique est superbe. Pouvez-vous nous en dire plus sur le choix et la composition ?
Martha fait aussi de la musique et m’a proposée de travailler avec un ami à elle, qui est aussi parfois son DJ et son producteur de musique : Pepijn Leenders. Sur le tournage, pendant la scène du miroir, j’ai mis Improvisacio 1 de Bobby McFerrin, que nous écoutions en boucle lors de la préparation avec Martha. On s’était dit que cette musique provenait d’un ailleurs où Lucie s’était peut-être perdue, anéantie par son traumatisme. Je crois que ça a beaucoup participé au jeu de Martha, à son intensité à ce moment-là. J’ai ensuite donné à Pepijn ce morceau en référence en lui disant que je voulais quelque chose d’organique, fait de voix et de sons qui viennent du corps principalement. Nous avons fait plusieurs versions mais il a très vite proposé des choses très intéressantes. Il a mis sa propre voix, mélangée avec des sons qu’il a lui-même composés.
Quel est l’avenir du format court métrage d’après vous ?
Je pense qu’il a un bel avenir devant lui ! Dans une société de l’image qui va de plus en plus vers le rapidement consommé, vers la dynamique de série qui propose des épisodes courts, je ne m’inquiète pas pour ce format en tant que tel. Ensuite, artistiquement, le court est plus libre : il permet de prendre des risques, ce qui est moins le cas dans le format long car il y a de gros enjeux financiers. C’est pourquoi je comprends très bien pourquoi des réalisateurs confirmés repassent au court entre deux longs métrages.
Demain on reconfine, quels plaisirs culturels conseillez-vous ?
Un abonnement MUBI, la BD de Luz & Despentes, Le regard féminin d’Iris Brey et toute la bibliographie de Romain Gary !
Pour voir Chienne, rendez-vous aux séances de la compétition internationale I2.