Lunch avec Choulequec
Entretien avec Benoit Blanc et Matthias Girbig, coréalisateurs de Choulequec
Comment avez-vous eu l’inspiration pour Choulequec ?
Ce film est le fruit d’un projet de série que nous avons dans notre besace depuis quelques années maintenant. Comme toute série, son développement prend du temps, et trouver les bons partenaires financiers en France sur un mélange de genre comme celui-ci n’est pas toujours facile. C’est pourquoi nous avons décidé l’année dernière de faire cette adaptation de la série en court métrage. L’idée n’était pas de faire un pilote à proprement parler, car nous voulions pouvoir l’exploiter en festival et qu’il ait une vie quoi qu’il arrive. Que la série se fasse ou pas. Un pilote se serait conclu sur un cliffhanger insoutenable qui n’aurait peut-être jamais été résolu. Concernant plus précisément « l’inspiration » du projet, il s’est nourri de nos nombreux projets de vidéos sur notre chaine YouTube INERNET et de nos divers programmes courts et séries que nous avons fait pour Canal+. Et notamment la mini-série Le Département où l’on pouvait voir une jeune stagiaire dans une entreprise aux apparences traditionnelles se battre face à des règles et coutumes administratives totalement délirantes. Nous voulions avec Choulequec retrouver le schéma d’un personnage enfermé dans une arène aux codes absurdes. Et en y ajoutant une dimension « méta » qui nous est chère, cela nous permettait alors de pousser l’absurde à son paroxysme et explorer un univers aussi drôle qu’étrange. Ensuite, après avoir passé quasiment plus de trois ans à faire des sketchs ou séries dans des bureaux en costard cravate, il nous est apparu presque vital pour notre propre santé de créer un univers loin de la bureautique.
Avez-vous entrepris des recherches, analyses, pris des témoignages sur un phénomène en particulier ?
Non, pas spécialement, mais nous avons (notamment pour l’écriture de la série) entrepris certaines recherches sur des phénomènes géologiques, magnétiques, ou électromagnétiques qui pouvaient paraître hors du commun et en même temps scientifiquement plausibles. Aussi, l’exploration des univers parallèles dans les travaux de Stephen Hawking ou dans des œuvres allant de Philip K. Dick à la série Dark en passant par Twin Peaks, ont nourri nos réflexions dans l’écriture de Choulequec.
Pourquoi était-ce intéressant d’ouvrir le film sur une séquence dans le style thriller ?
La communauté qui nous suit notamment sur YouTube nous connaît beaucoup pour notre écriture très « what the fuck » où l’absurde est roi. Il nous a semblé rapidement évident qu’il fallait annoncer la couleur dès l’entrée du film. Indiquer tout de suite un ton et une tension afin que l’enjeu dramatique du personnage principal (Lucas Lesol) soit très fort, qu’on soit en empathie réelle avec lui. En plus, c’était l’occasion pour nous de fixer une sorte de « time lock » pour le spectateur : poser une étrangeté et une intrigue irrésolue pour le tenir en haleine. Enfin, cela permettait de renforcer la rupture de comédie de la scène suivante où l’humour absurde n’allait s’en retrouver que plus surprenant.
Êtes-vous attachés à l’absurde et si oui, qu’est-ce qui vous intéresse dans ce genre cinématographique ?
Depuis toujours sur notre chaine INERNET, l’absurde a été le socle d’écriture de notre travail. et notamment en étant très inspirés par les Monty Python. C’est un ton (ou genre) qui nous permet de traiter à la fois avec humour et radicalité des thématiques contemporaines qui nous tiennent à cœur : le rapport à la norme, les systèmes de croyances, la désinformation, le rapport réalité / fiction. L’absurde pousse les situations à l’extrême et met en lumière les aberrations d’un système ou d’une société comme la nôtre.
Aimez-vous les phénomènes inexpliqués et la quête de sens ?
On a une tendresse particulière pour « l’incertitude » et la force que peuvent avoir les rêves. Comme dans les œuvres de David Lynch, de Luis Buñuel, ou encore Quentin Dupieux. Ce sont des univers où l’humour absurde et le cauchemar se marient pour mieux troubler le spectateur, mais sans jamais l’abandonner. Nous sommes relativement attachés à bousculer le spectateur dans ses à prioris, ses certitudes… Et un univers fantasque et « fantastique » comme Choulequec a toute la latitude pour surprendre en permanence et déstabiliser les « croyances » du public. Le monde médiatique d’aujourd’hui est enclin à remettre en question l’information, les faits, la notion de Vérité, et donc la quête de sens. Ces thèmes nous habitent et nous interrogent intimement. Choulequec tente de s’en emparer avec humour.
Qu’est-ce qui vous intéressait dans le rapport à la cassette VHS et au téléviseur à tubes cathodiques ?
Nous cherchions un support « concret » qui pouvait devenir une sorte de réseau social vintage et unique dans le village de Choulequec. Une forme de transposition décalée des réseaux sociaux. Et nous voulions que cette espèce de « notification magique » puisse se faire avec humour comme ici où les personnages se prennent une cassette VHS venue de nulle part en pleine tête. Après, le style un peu désuet de la VHS (et du tube cathodique) nous attire aussi pour des raisons esthétiques qu’on affectionne particulièrement. Là encore ce sont des choix régient par la narration de la série, et comme on espère qu’elle verra le jour prochainement, on ne peut pas trop en dire plus quant à cette question, « spoiler alert » oblige.
Comment avez-vous trouvé les comédiens ?
On les a trouvés hyper bons. (Rires). Les deux acteurs principaux sont nous-même, donc on n’a pas eu trop de mal à nous trouver, quoique… (Éclats de rire incontrôlables et flippants).
Quel est l’avenir du format court métrage d’après vous ?
C’est une formidable opportunité pour faire le pont entre internet et le cinéma. En même temps, ça a toujours été un peu le cas, déjà avant le web, le court était et est toujours un terrain d’exploration et d’expérimentation cinématographique. Peut-être encore plus maintenant que les formats plus courts se consomment plus facilement que d’autres, que ce soit sur des plateformes de diffusion ou sur les réseaux sociaux.
Demain on reconfine, quels plaisirs culturels conseillez-vous pour échapper à l’ennui ?
Ah bon ? Nan ?! D’où vient l’info ?? Plus sérieusement, on conseille le visionnage de la chaîne INERNET qui est vraiment un choix culturel de notre part dénué de toute subjectivité ou d’intérêt. Houlala, n’allez pas croire que… Houla non. Si tu veux déconfiner ton cerveau en plein confinement il n’y a qu’un pas : INERNET.
Pour voir Choulequec, rendez-vous aux séances de la compétition nationale F6.