Lunch avec Des jeunes filles enterrent leur vie
Entretien avec Maïté Sonnet, réalisatrice de Des jeunes filles enterrent leur vie
Après Massacre, vous réalisez avec Des jeunes filles enterrent leur vie un film qui s’inscrit davantage dans le genre de la comédie. Quel a été le point de départ du film ?
En réalité, bizarrement, je ne me suis jamais dit que j’allais écrire une comédie plutôt qu’autre chose. L’humour arrive presque tout seul, malgré moi, ou alors via un regard perplexe que j’ai sur le rituel de « l’enterrement de vie de jeune fille », et qui est le point de départ de l’écriture du film. Quand j’ai démarré l’écriture, je trouvais terrifiant d’assister à ces évènements, autour de moi, censés sonner le glas d’une vie de « jeune fille », qui comportait pourtant quelque chose de libre, de beau, de festif. L’enterrement de vie de jeune fille, c’est à la fois un évènement sororal, et à la fois une sorte d’adieu à la sororité, pour embrasser la vie maritale. Tous ces abandons, contenus dans l’intitulé, ou dans l’évènement lui-même, m’ont donné envie d’écrire un récit mélancolique dans lequel on puisse ressentir pleinement ce que signifie « enterrer » sa vie de jeune fille, pour pouvoir le remettre en question.
Un enterrement de vie de jeune fille, avec ses codes parfois désuets, est un excellent point de départ pour écrire une comédie. C’est la raison pour laquelle vous avez choisi ce thème ?
Comme dit plus haut, mes raisons étaient plutôt de l’ordre de la fascination et de la répulsion. Mais ensuite, la comédie vient vite car en effet, c’est un rituel très codifié, très performatif. On y joue à être heureuses, à être des princesses… J’ai choisi de regarder ce rituel à travers les yeux d’un personnage déprimé, et dégoûté par l’amour en plus de ça, qui n’arrive pas du tout à jouer au bonheur, qui n’arrive pas à feindre. Et à travers son regard, le décalage et la comédie peuvent naître.
Le film aborde également la difficulté de vivre en couple, les ruptures amoureuses, les normes sociétales… Avez-vous discuté de ces thèmes avec vos actrices en tournant le film ?
Oui, nous avons beaucoup discuté d’amour et de relations amoureuses avec les comédiennes, mais aussi avec les membres de l’équipe, en amont du tournage. Nous étions, comme les personnages du film, un groupe de jeunes gens (majoritairement de jeunes filles) à un âge qui m’intéressait : ce moment où les premières histoires d’amour sont clairement derrière nous, et où la vie nous a fait connaître un certain nombre d’états amoureux plus ou moins douloureux, qui fait qu’on peut se sentir perdu·e·s face à ces questions. J’étais assez sidérée de voir qu’autour de moi, quels que soient les modèles amoureux choisis, des plus normés au plus expérimentaux, tout le monde était perdu, personne n’avait de « bonne réponse ». Et pourtant, le renoncement n’est pas, pour moi, une possibilité. En fait je crois que le film pose donc la question du risque en amour (celui de tomber amoureux à nouveau, de s’engager à long terme, ou de quitter quelqu’un) malgré les incertitudes à venir.
Comment avez-vous choisi vos actrices ?
J’ai travaillé avec la directrice de casting Kenza Barrah, comme pour mon premier court métrage. Nous avons cherché à composer un groupe aussi hétéroclite que possible, avec des énergies différentes, et Kenza a eu des intuitions brillantes de comédiennes. Le casting s’est formé en même temps que mon idée des personnages s’est précisée. En rencontrant les comédiennes et en travaillant avec elles ensuite en répétition, j’ai pu affirmer des énergies qui étaient peut-être encore floues dans le scénario, pour que chacune ait, finalement, sur le tournage, sa propre « partition ».
Quel est votre court métrage de référence ?
Je ne sais pas si j’ai un court métrage de référence, mais il y a quelques années j’ai été très marquée par Journey Through a Body, de Camille Degeye. C’est un film auquel je repense souvent tant sa construction est forte.
C’est votre deuxième sélection au festival après Massacre, en 2020. Félicitations ! Que représente pour vous le festival de Clermont-Ferrand ?
Oui, j’ai beaucoup de chance d’avoir un nouveau film sélectionné au festival. Pour Massacre ça avait été très important, et impressionnant (le nombre de spectateurs et spectatrices…). Je suis très heureuse de revenir, j’ai hâte d’y passer du temps et de voir plein de films !
Pour voir Des jeunes filles enterrent leur vie, rendez-vous aux séances de la compétition nationale F12.