Lunch avec Perles
Entretien avec Alexis Hellot, réalisateur de Perles
Comment avez-vous eu l’inspiration pour Perles et qu’est-ce qui vous intéresse dans le style thriller ?
Au départ il y avait l’image d’une voiture abandonnée sous un arbre dans une sorte de clairière. Il y a une femme à l’intérieur. Un homme vient la voir. Tout est parti de ça. La problématique des bidonvilles roms est venue ensuite. Quand j’ai commencé à écrire le scénario fin 2017, au même moment, la loi sur la trêve hivernale était modifiée pour interdire les expulsions des bidonvilles pendant l’hiver. Sauf que dans les faits, les expulsions ont continué, de manière « détournée », et très souvent flirtant avec l’illégalité. Ça m’a donné l’envie de confronter ces deux mondes, celui de la police et celui des bidonvilles roms, qui ont beaucoup de points communs… Pour le style thriller, c’est finalement plus une manière d’écrire et surtout de développer des personnages ambivalents, qui ont toujours des choses à cacher, et qui fatalement se mettent dans de mauvaises postures. En soit, le thriller en tant que genre ne m’intéresse pas tellement, mais la tension de sa mise en scène me plait beaucoup. Parce qu’elle permet de faire émerger du sous-texte, de révéler une certaine intériorité des personnages aussi, d’être plus dans la perception que l’observation.
Pourquoi ne vouliez-vous pas qu’on comprenne la langue parlée par Anca et ses proches dans le film ?
Alors ça c’est surtout un manque de temps pour l’envoi du film à Clermont… Maintenant, c’est une vraie question qu’on se pose, même à l’heure où je vous écris, s’il faut qu’on traduise ou non les dialogues en romanès. Ne pas traduire, c’est être comme le personnage principal, à l’écart des conversations, un peu perdu. Mais le risque c’est de perdre certains enjeux importants car les dialogues ne sont pas anodins. Il nous reste quelques jours encore pour se décider…
Comment avez-vous organisé votre casting ?
De manière complètement décousue. Le rôle principal a été trouvé presque en dernier… En tout cas, dès le départ, j’avais envie de mélanger des comédiens professionnels avec des amateurs. Les premiers m’ont en général été conseillés, les deuxièmes se sont surtout des rencontres pendant l’écriture, des gens croisés sur des bidonvilles et surtout grâce à une très belle asso qui s’appelle Intermèdes Robinson, à qui je dois beaucoup, et qui m’ont présenté beaucoup de personnes, à commencer par Kledjona qui joue le rôle d’Anca.
À quel point êtes-vous intéressé par la thématique de l’adversité dans Perles et est-ce un sujet autour duquel vous envisagez de réaliser d’autres films ?
C’est surtout des rapports de domination qui m’intéressent, des luttes de territoires, l’assujettissement d’un milieu sur un autre, etc… Dans Perles, ces rapports sont manifestes, même si complexes. Et donc l’adversité qui en découle évidente ou du moins plus visible. Dans mes autres projets, ces thématiques sont toujours présentes, mais plus en sous-texte. L’adversité y est moins subie et davantage provoquée par les personnages principaux. Dans Perles, on peut voir plusieurs manières de réagir face à l’adversité : fuir, être dans la résilience, fantasmer une autre vie, défendre son identité, etc. Et ces choix face à l’adversité sont de puissants révélateurs que j’utilise pour faire apparaître la personnalité des personnages.
Quel est l’avenir du format court métrage d’après vous ?
À priori, tant qu’on fera du long, le court sera un passage obligé. Donc on va continuer à en produire, surtout que le court s’est beaucoup structuré économiquement, peut-être même un peu trop à mon goût, un peu trop professionnalisé aussi. Le bon côté, c’est qu’on est plus exigeant avec les scénarios, les sujets développés. J’ai l’impression qu’il y a beaucoup plus de qualité à ce niveau-là. Mais le mauvais côté, c’est qu’on a – mais peut-être que je me trompe – un peu perdu ce côté labo d’expérimentation surtout pour la mise en scène. Après je consomme très peu de courts, mais je vois trop peu d’audace, de prise de risque et c’est un peu dommage. Et je pense pas que ça vienne forcément des auteurs ou des réalisateurs, mais il y a une forme de pression, de calibrage, de choses imposées, un peu à tous les niveaux de développement et de productions qui nuisent à mon avis aux œuvres. Donc il faut être vigilant pour éviter qu’on uniformise trop le court métrage.
Demain on reconfine, quels plaisirs culturels conseillez-vous pour échapper à l’ennui ?
Passant la plupart de mon temps à consommer de la culture, j’aurai tendance à conseiller plutôt des activités de bricolage ! En tout cas, profiter de ce temps pour sortir de ses habitudes et apprendre de nouvelles choses.
Pour voir Perles, rendez-vous aux séances de la compétition nationale F8.