Breakfast avec Sestry (Sœurs)
Entretien avec Andrea Szelesová, réalisatrice de Sestry (Sœurs)
Pouvez-vous nous parler de vos sources d’inspiration et de la genèse de l’histoire de Sestry ?
J’ai longtemps réfléchi à ce que serait le sujet de mon film de fin d’études. Il y avait trop d’émotions que je brûlais d’exprimer. Des soucis à la maison, un de mes proches aux prises avec la dépendance, et moi-même aux prises avec mon estime de soi. Beaucoup d’idées ont été jetées sur le papier pour finir à la poubelle. En chemin j’ai vu cette photo de la sculpture d’une tête énorme, ce qui m’a fait penser que le reste de son corps – s’il existait – devait être enterré en-dessous. Vint l’idée de quelqu’un qui serait lentement tiré vers le bas par toutes les choses qui peuvent peser sur nous, et d’un coup ça devint mon centre d’attention. De la personne qui se noyait, a découlé l’autre personne tentant de la sauver. J’ai senti que j’avais trouvé une représentation si simple, si universelle que chacun pourrait y retrouver sa propre histoire.
D’un point de vue technique, le film est différent de votre premier, Afternoon Tea. Qu’est-ce qui vous à inciter à changer de technique ?
Sestry était mon film de fin d’études, mais Afternoon Tea était un projet antérieur sur lequel j’ai travaillé dans ma deuxième année à la FAMU de Prague. L’école nous encourage à essayer différentes techniques, et même si ça a été amusant de bidouiller l’image par image et l’animation de marionnettes sur Afternoon Tea, j’ai finalement retrouvé l’animation numérique et le dessin manuel qui me sont plus familiers.
Quels sont les outils et les moyens mis en œuvre pour Sestry ?
En dernier lieu, la technique de Sestry c’est du dessin manuel animé en 2D numérique, avec des éléments techniques numériques de papier découpé. Néanmoins, le medium qui m’a inspiré, ce sont les esquisses originelles au feutre. Le grain créé par le coloriage au feutre m’a mené à chercher des moyens de transférer cette esthétique au domaine numérique. J’ai expérimenté différents pinceaux numériques qui altéraient le degré d’opacité, et tracé des croquis comme on peut le faire avec les feutres. Ça a donné les textures animées qu’on peut voir dans le film.
Y a-t-il un film qui vous a particulièrement marquée ?
Coffin, un film d’étudiants des Gobelins, a attiré mon attention. Le film donne un aperçu des maisons-cercueils en Chine – ces appartements minuscules où sont forcés de cohabiter beaucoup de gens. J’ai eu le plaisir de voir ce film à Annecy et j’ai été captivée par la manière dont le film parvenait à exprimer la frustration de vivre en milieu clos, de ne pas avoir d’échappatoire à l’invasion de la sphère privée par les autres. J’ai beaucoup aimé voir les distractions des colocataires prendre des formes tangibles, d’une manière qui est si particulière à l’animation.
Selon vous, qu’est-ce qui fait un bon film ?
Il y a beaucoup de types de bons films. Certains feront rire, d’autres verser une larme, d’autres inciteront à la réflexion ou d’autres encore créeront la surprise en apportant quelque chose de nouveau. Dans les festivals, on passe souvent des heures assis devant des courts-métrages, mais en sortant, on ne se souviendra que de quelques-uns. Un bon film, c’est celui qui reste avec nous à la fin.
Pour voir Sestry(Sœurs), rendez-vous aux séances de la compétition internationale I1.