Breakfast avec Three Meetings of the Extraordinary Committee (Trois réunions du comité extraordinaire)
Entretien avec Max Barron, réalisateur de Three Meetings of the Extraordinary Committee (Trois réunions du comité extraordinaire)
Le film est coréalisé avec Michael Woodward. Comment est née cette collaboration ?
Nous travaillons ensemble depuis de nombreuses années, surtout dans la publicité. C’est notre premier court métrage. Les gens trouvent parfois bizarre qu’il y ait deux réalisateurs, mais nous avons constaté qu’il est très efficace d’avoir le point de vue de l’autre, ne serait-ce que pour s’assurer que vos idées ne sont pas complètement insensées. Bien sûr, pour que ça marche, il faut avoir les mêmes goûts, mais heureusement, c’est le cas, sinon chaque décision à prendre ferait l’objet d’une dispute. Mon domaine, c’est l’écriture, et Michael s’intéresse plutôt au visuel. Nous sommes donc assez complémentaires. On se dit parfois que pour qu’une idée fonctionne (tel jeu d’acteur, telle suggestion d’un collègue), il faut qu’on soit chacun deux fois plus efficaces ! Bon, c’est peut-être de la flemme.
L’un comme l’autre, avez-vous des liens particuliers avec la Bulgarie et la politique de ce pays ? Pourquoi avoir choisi de situer cette satire dans ce contexte ?
J’ai passé pas mal de temps en Bulgarie, et j’ai des amis bulgares très proches. Je suis allé au mariage d’un de leurs enfants, et nous avons ensuite sillonné le pays en voiture pour rendre visite à la famille, dans de petits villages qu’il ne vous viendrait jamais à l’idée de visiter, ou des villes post-soviétiques à moitié désertées. C’est un pays extraordinaire qui a une histoire fascinante. Un peu comme la Grande-Bretagne, la Bulgarie a un grand passé impérial (avant de remettre ça avec l’Union soviétique), mais elle doit accepter le fait que cette gloire ne reviendra pas. Il y a quelques années, en réalisant des publicités à Sofia, nous avons pu apprécier la qualité des structures et des équipes, ainsi que le potentiel au niveau des acteurs. Mais tout ce talent, on n’avait pas l’occasion de l’exploiter, car on tournait à chaque fois des pubs pour le marché britannique, allemand, ou autre. C’est donc le lieu qui a inspiré l’idée du film – on s’est demandé : que pourrait-on faire pour mettre à profit ce lieu incroyable et tous ces formidables acteurs ?
Où le film a-t-il été tourné exactement ?
Dans un petit village aux abords de Sofia. On ne voulait pas aller trop loin à l’intérieur des terres, car il aurait fallu faire voyager toute l’équipe. On ne s’imagine pas qu’à une demi-heure de ce village où beaucoup de gens ont encore les toilettes au fond du jardin, il y a une grande ville avec tous ses hôtels de luxe etc. C’est un des aspects surréalistes de ce pays.
Pourquoi ce choix du noir et blanc ?
Pour plusieurs raisons. D’un point de vue créatif, cette sobriété et cette beauté du noir et blanc collaient bien avec l’histoire. Le noir et blanc simplifie l’image, et permet de focaliser son attention sur les personnages. De plus, le langage du film consiste à se moquer gentiment de certains films art et essai super sérieux, qui sont en général tout le temps en noir et blanc. On s’est dit que ce serait drôle d’opter pour une esthétique très solennelle pour traiter d’un sujet intrinsèquement ridicule. D’un point de vue purement pratique, quand on fait un film d’époque et qu’on a un budget limité, se débarrasser de la couleur est un excellent moyen d’éliminer tout ce qui pourrait trahir la présence de la modernité. Les couleurs sont très temporelles : il y a des couleurs qu’on voit partout aujourd’hui, les panneaux de signalisation ou autre, qu’on ne voyait jamais dans les années 1970 ou 1980. Supprimer la couleur fait 50 % du travail pour ce qui est de l’adéquation avec l’époque traitée. C’est drôle, on dirait que certains pensent que lorsque vous filmez en noir et blanc, c’est parce que vous n’avez pas pu le faire en couleur pour telle ou telle raison, comme un type qui irait au boulot en charrette à cheval. Mais la couleur n’est pas mieux que le noir et blanc. Elle a seulement d’autres avantages, d’autres possibilités. Le noir et blanc crée une ambiance, une impression, ce qui n’a pas de prix dans un film. Pour nous, c’est simplement un choix esthétique, tout comme si on choisissait une palette de couleurs hyper saturées.
Pouvez-vous nous parler du casting ?
Comme je vous disais, nous savions déjà que Sofia regorge d’acteurs formidables, qui travaillent surtout au théâtre, car le cinéma bulgare est un monde assez petit. B2Y Productions, qui a produit le film côté bulgare, nous a trouvé une super directrice de casting, Milena Kaleva, et elle a fait le reste ! Dès qu’on a vu les acteurs en audition, on a su que ces rôles allaient leur convenir. N’importe quel spectateur s’en rendra également vite compte. Ensuite, on s’est réunis dans les studios de Sofia pour une lecture, et ils semblaient comprendre instinctivement l’humour et la dynamique entre les personnages. Plusieurs acteurs et membres de l’équipe trouvaient que le film mettait le doigt sur une réalité de la politique bulgare, ce qui nous faisait plaisir, bien que le film ne prétende pas aborder la politique du pays à proprement parler. C’est un film sur la nature humaine, et sur ce qui arrive lorsqu’on donne des espoirs irréalistes à des gens désespérés.
Quel est l’avenir du format court métrage d’après vous ?
Honnêtement, on ne connaît pas suffisamment cet univers pour répondre précisément. C’est notre premier court métrage, mais on s’est vraiment fait plaisir à le faire. On a déjà fait un long métrage, ce qui représente, bien entendu, plus de temps et d’argent, et on ne savait pas trop à quoi s’attendre avec un court métrage, mais il me semble que c’est un format qui permet de dire ce qu’on veut sans se soucier de savoir si cela va satisfaire les appétits du marché.
Demain on reconfine, quels plaisirs culturels conseillez-vous pour échapper à l’ennui ?
Eh bien, nous y sommes déjà, hélas. Alors une petite liste :
– Première chose, arrêtez de lire ou de suivre les actualités. C’est dur, mais ça vaut le coup. Il y a une énergie malsaine dans la façon dont la situation est traitée aux infos, ce qui la rend encore plus dure à supporter.
– Deux séries sur Netflix et Amazon qu’on adore mais qui semblent passer complètement inaperçues : Godless, un superbe western de Scott Frank (Le jeu de la dame) avec un Jeff Daniels inoubliable dans le rôle du méchant, et Patriot, une comédie décalée qui parle d’un agent de la CIA déprimé à qui l’on confie toutes sortes de missions mal préparées, ce qui n’arrange pas les choses.
– Côté bouquins, quiconque possède un Smartphone devrait lire How To Do Nothing de Jenny Odell. Si les gens se partagent entre ceux qui ont « tout compris » et ceux qui n’ont « rien compris », Jenny Odell se trouve dans la catégorie de ceux qui ont vraiment, vraiment tout compris.
Pour voir Three Meetings of the Extraordinary Committee (Trois réunions du comité extraordinaire), rendez-vous aux séances de la compétition internationale I10.