Lunch avec Vrai gars
Entretien avec Jean-Baptiste Durand, réalisateur de Vrai gars
Pourriez-vous expliquer le choix du titre ?
Le titre revêt pour moi un double sens et peut être entendu de deux façons. Au début, Sami est un « vrai gars », dans un sens plutôt viriliste, macho, lascar… À la fin, au contraire, c’est un « vrai gars », c’est à dire un homme qui assume sa fragilité, ses faiblesses, ses mots et ses larmes.
Ces jeunes sont-ils basés sur des jeunes que vous connaissez dans la vie ? La région vous est-elle familière ?
Oui. Je viens du département de l’Hérault, j’ai grandi dans un petit village : Montpeyroux. Ces jeunes, je les connais, je les ai fréquentés, j’en ai même été. Ainsi, les personnages de mes films sont toujours un mélange de mes amis et de moi-même. Actuellement, j’habite toujours dans l’Hérault et la jeunesse de village est une thématique qui m’intéresse toujours, que je traite depuis mes débuts aux Beaux-Arts et mes premiers courts métrages. Mon premier long métrage Chien de la casse, dont je viens d’achever le tournage, est d’ailleurs une bromance dont le théâtre est encore cette campagne péri-urbaine.
Que cherchiez-vous à explorer à travers les interactions de ces personnages ?
C’est un peu le film de ma rupture amoureuse et en cela, j’avais besoin de le faire et de mettre mes personnages dans cette situation pour l’explorer. Je voulais aussi tester une mise en scène épurée, instinctive et avec de la pudeur. Vrai gars était une sorte de laboratoire de recherche pour la mise en scène, l’écriture, et la direction d’acteur·rice·s. Quand j’ai rencontré Mathieu, puis Julie dans le cadre de mes interventions en école de théâtre et de cinéma, j’ai eu immédiatement envie de les filmer. Tous ces désirs colligés ont pris la forme de ce court métrage, et je voulais le tourner vite, en équipe très réduite, comme un geste urgent. Je me suis entouré de quelques amis, et c’était parti.
Dites-en nous plus sur le choix des chansons.
Il fallait écrire un morceau de rap un peu nul, mais pas complètement bidon non plus. Sami est un rappeur amateur, pas hyper doué, ses paroles sont basiques, mais il n’est pas non plus complètement ridicule. Il était primordial que ce personnage reste touchant. Aussi, il nous fallait préserver la crédibilité du texte de fin, qui est un peu mieux écrit, plus sincère. Il fallait que l’on puisse croire que le même personnage avait écrit les deux textes, comme deux faces de lui-même. C’est Hugo Rossi qui a signé l’instrumentale du morceau de rap, ainsi que la musique extra-diégétique. Avec Mathieu Amilien, le comédien qui incarne Sami, nous avons écrit les paroles du morceau clipé sur les marches de l’église, et j’ai écrit seul le texte rappé à capella dans la voiture de Sami.
Quel a été votre parcours en tant que cinéaste ?
J’ai fait l’école des Beaux-Arts de Montpellier. En entrant, je n’avais ni envie ni l’idée de faire du cinéma. La question ne se posait même pas. Je voulais être artiste : je faisais de la peinture et du dessin principalement. À l’école, nous devions toucher à tous les médiums. Par ce biais, j’ai été confronté à la vidéo et j’ai découvert qu’on pouvait faire du cinéma pour presque rien. Ça a été une révélation : cela faisait sens avec mes préoccupations artistiques et plus qu’en peinture, on pouvait travailler le texte, le son, le rythme, le jeu, la musique… Après cinq ans d’études, je suis sorti diplômé avec un film de fiction. Puis après, j’ai appris sur le tas, bâti ma cinéphilie, lu, écouté des tonnes d’entretiens de cinéastes… En parallèle, pendant quelques années, j’ai été machiniste, j’ai travaillé en équipe déco, j’ai un peu joué aussi puis réalisé des clips, des documentaires et quelques petits films de fiction autoproduits. Au moment de réaliser Il venait de Roumanie presque sans moyens, j’ai rencontré Anaïs Bertrand d’Insolence Productions qui a décidé de m’accompagner sur ce projet. Il est devenu mon premier court-métrage réalisé dans des conditions « pro ». Anaïs m’a accompagné ensuite sur tous mes films jusqu’au premier long métrage, pour lequel je suis en plein montage actuellement. À l’exception, j’ai fait ce court métrage avec Emma Séméria et Pauline Quinonero de Too Many Cowboys, comme une parenthèse avant l’aventure du long.
Y a-t-il un court métrage qui vous a particulièrement marqué ?
La Biffle, de Jean-Baptiste Saurel. En réalité, je pourrais en citer un bon nombre ! J’aime beaucoup de films, je suis bon public, et je n’aime pas un genre plus qu’un autre. Mais spontanément, sans réfléchir, c’est celui-ci qui me vient. Sinon, je pense à K-Nada, Truc de gosses, Automne malade, Mokhtar, L’Enfant du métro, Fais croquer, Hotaru, Chiens, Être vivant, The Brother, Marie à ma fenêtre, Nouvelles de la tour L … Et j’en passe !
Selon vous, qu’est-ce qui fait un bon film ?
Un film dont on sent la nécessité. Que ce soient des films d’acteur·rice·s ou de mise en scène. Les films qui vont au bout d’une idée, d’un geste, d’un point de vue. Les films portés avec amour, courage et humilité. Je trouve que tout ça se ressent. Et puis, les films qui respectent le spectateur. Quand on est sincère, on est respectueux, à mon sens. Enfin, quitte à poncer un lieu commun, les films bien écrits et bien joués avant tout.
Pour voir Vrai gars, rendez-vous aux séances de la compétition nationale F8.