Dîner avec Précieux
Entretien avec Paul Mas, réalisateur de Précieux
Quels matériaux avez-vous utilisés pour créer les personnages ?
Les corps des marionnettes sont en silicone. On fait une sculpture, puis un moule dans lequel on place une armature en fil d’aluminium, qui lui permettra de garder la pose. Ensuite, on verse du silicone qui, en solidifiant, prendra la forme de la sculpture initiale. Un petit peu de peinture (silicone teinté), des costumes et voilà ! Les têtes des figurants (les autres enfants) sont moulées en résine polyuréthane, un matériau dur. Elles sont creuses, pour être plus légères. Les têtes d’Emile et de Julie sont faites en silicone, en suivant un procédé similaire au corps.
Qu’est-ce qui vous a donné envie de situer l’action dans l’environnement de l’école primaire pour questionner la difficulté de votre personnage à être accueilli socialement ?
Avec Précieux, je souhaitais réaliser un film pour adulte, dont tous les personnages principaux seraient des enfants. J’ai voulu trouver l’origine des mécanismes d’exclusion, de prise de pouvoir de l’un sur l’autre qui me semblent faire système et norme actuellement. Plus je cherchais, plus je remontais le temps et m’approchais de l’enfance. L’enjeu était alors de mettre en scène ce moment de bascule, où l’individu se débarrasse d’une partie de son empathie pour survivre. Je souhaitais réaliser le film le plus universel possible. En France, les écoles se ressemblent énormément. Je pouvais donc convoquer des souvenirs communs et toucher un maximum de personnes.
Qu’apportaient à la narration les leçons de piscine en particulier ?
La piscine, c’est un endroit où l’on est à moitié nu, en face de ses camarades de classe, à moitié nus eux aussi. C’est un lieu de vulnérabilité, un cours qui est souvent redouté chez les enfants et adolescents. Mon but étant de me rapprocher le plus possible de la fragilité de mes personnages, la piscine me semblait un bon choix pour mettre en scène des moments de honte, mais aussi d’intimité entre les enfants. Les cours de piscine, c’est aussi un souvenir (désagréable) commun à beaucoup de gens…
Qu’est-ce qui vous intéressait dans le fait que les autres enfants de la classe ne soient pas identifiables à part Julie et Emile ?
Emile et Julie n’arrivent pas à se projeter dans l’autre. Julie car elle est ostracisée, Emile par son handicap. Le film se déroulant entièrement dans le regard de Julie, il me semblait important de rendre à l’image cette peur des autres, qui semblent se comporter en meute et être dépourvus d’individualité. De plus, ça m’a permis de rentrer dans mon budget car l’animation en volume favorise la fabrication à la chaîne.
Quel est l’avenir du format court-métrage d’après vous ?
De nombreux courts métrages se font quasi gratuitement, ou alors sur une base de volontariat. Il faut donc savoir comment on oriente notre regard : est-ce qu’on parle du nombre de films qui sortent ou du nombre de gens qui en vivent ? Parce que ce n’est pas du tout la même chose. Avec Précieux, j’ai eu la chance d’être payé, et de pouvoir payer mon équipe. Ça ne devrait être ni un privilège ni une chance, juste un boulot. Le format a de l’avenir, tant que des gens souhaiteront réaliser des films et auront de la volonté. Le métier de « réalisateur-trice de court métrage », c’est un autre débat.
Demain on reconfine, quels plaisirs culturels conseillez-vous pour échapper à l’ennui ?
Sans aucune hésitation : Chicken Run, l’intégrale des Harry Potter, le premier Robocop et Starship Troopers. En tout cas, des films « doudous » que l’on a déjà vus un million de fois, ça a très bien marché pour moi !
Pour voir Précieux, rendez-vous aux séances de la compétition nationale F4.