Dîner avec Tom veut rentrer
Entretien avec Arthur Bacry et Marianne Gaudillère, coréalisateurs de Tom veut rentrer
Qui vous a inspiré ces personnages ? Que vouliez-vous explorer au travers de leur relation ?
Arthur : La source d’inspiration principale c’est mon frère qui est sourd-malentendant. Dans notre famille c’est la seule personne sourde. Il a fait toute sa scolarité avec des enfants sourds et a appris avec eux la langue des signes. Mis à part un peu ma mère, personne dans notre famille n’a fait la démarche d’apprendre la LSF. Moi y compris. Mon frère a toujours dû s’adapter à nous plutôt que l’inverse. Cela a construit un rapport à sa propre surdité assez ambivalent, c’est quelque chose de son identité en même temps qu’il tente de ne pas la laisser paraître. Les deux personnages, Gary et Tom sont une incarnation de cette ambivalence, entre ce père extraverti pour qui sa surdité n’est pas un sujet et son fils, introverti, qui en a honte.
Comment s’est déroulé le casting ?
Marianne : Depuis le début du projet, on savait qu’on n’allait pas faire jouer la surdité à des comédiens entendants, question qui nous a souvent été posée. Filmer des personnes sourdes est au cœur du propos. Il y a un manque énorme de représentation des sourds au cinéma, à plus forte raison dans des films où la surdité n’est pas le sujet principal. On a donc passé une annonce de casting dans les réseaux associatifs sourds et malentendants, et on a flashé sur Geoffroy et Louis. Ce qui était important c’était de trouver deux personnes qui entretiennent un rapport à leur surdité proche de ce qu’ils allaient devoir jouer.
Arthur : Ce qui était étonnant à observer c’est la façon dont la relation de Louis et Geoffroy, Tom et Gary dans le film, a évolué en miroir de celle des personnages.
Comment s’est déroulé le tournage ? En particulier le long de l’autoroute…
Arthur : On pensait que ce serait particulièrement compliqué de tourner sur une aire d’autoroute, notamment pour le son. Mais Raphaël Bigaud, l’ingénieur du son, nous a vite rassuré sur ce point. Finalement on a même remonté les ambiances d’autoroute au moment du mixage. Pour ce qui est de la mise en scène, Marianne et moi avions très envie de laisser une grande part à l’improvisation. On s’imaginait laisser Geoffroy et Louis errer sur l’aire et les filmer au gré de leurs rencontres. Évidemment, pour des questions de sécurité c’était impossible. Mais on a quand même réussi à ménager des temps et des espaces de liberté pendant le tournage, des moments d’improvisation dont certains sont restés au montage.
Pouvez-vous nous en dire plus sur votre collaboration ?
Marianne : Écrire en duo c’est hyper stimulant. Même sur les projets que nous écrivons chacun de notre côté, on échange en permanence. La collaboration qui nous a fait passer du scénario au film c’est notre rencontre avec Laure Van Vlasselaer, notre productrice, au tout début de l’écriture. Son intérêt et ses retours sur ce que l’on écrivait nous ont permis de maintenir l’énergie qu’il faut pour aller au bout d’un premier film.
Quels sont vos parcours respectifs de cinéastes ?
Marianne : Pendant mon cursus de géographie, je programmais du court métrage pour un festival associatif bordelais qui m’a fait découvrir l’Agence du court métrage, où j’ai commencé à travailler dans la distribution. J’ai alors mis les pieds à Clermont-Ferrand pour la première fois et suis tombée dans la marmite !
Arthur : J’ai fait une licence de cinéma après mon bac à Paris 8 puis j’ai tenté les concours d’écoles de cinéma sans réussite. En 2017 j’ai réalisé un court-métrage auto-produit, Une place, qui m’a mis le pied à l’étrier.
Quels sont vos projets à venir ?
Arthur : J’ai deux projets de courts métrages. Une comédie douce-amère sur un garçon qui se fait passer pour un dealer afin de se faire un ami, l’autre est une comédie acide sur la place de l’égo dans le milieu du développement personnel. Enfin je travaille en co-écriture sur un projet de mini-série avec Céline Novel, sur une bande d’enfants dans un camping.
Marianne : Je vais bientôt tourner un projet sonore entre documentaire et fiction sur « le récit qui soigne », une immersion dans une commission d’éthique au sein de l’hôpital public. J’écris également un court métrage de fiction documentaire qui m’a été inspiré par le tournage de Tom veut rentrer au sujet d’une comédienne amatrice un peu perdue sur un tournage professionnel.
Un coup de cœur cinéma de 2022 ?
Marianne : Rien à foutre de Julie Lecoustre et Emmanuel Marre.
Arthur : Il buco de Michelangelo Frammartino.
Quel est votre court métrage de référence ?
Marianne : Il y en a plein, mais voir Braquer Poitiers de Claude Schmitz ensemble en salle Cocteau il y a plusieurs années nous a marqué.
Arthur : Le Film de l’été d’Emmanuel Marre est aussi une référence pour notre film.
Que représente pour vous le festival de Clermont-Ferrand ?
Marianne : Je viens depuis une dizaine d’année, et je me souviens encore de l’émotion que m’ont laissée certaines séances labo, où je découvrais la diversité du court métrage.
Arthur : Faire la première projection de notre premier film ici c’est le rêve !
Pour voir Tom veut rentrer, rendez-vous aux séances de la compétition nationale F12.