Dîner avec À l’ombre l’après-midi
Entretien avec Marin Gérard, réalisateur de À l’ombre l’après-midi
Dans quelles circonstances avez-vous écrit le scénario d’À l’ombre l’après-midi ?
J’ai écrit la majeure partie du film à la fin de l’année 2020, pendant le deuxième confinement. Il me trottait dans la tête depuis un moment et n’a pas été écrit en réaction à la fermeture des salles de cinéma, mais l’écriture a effectivement été un moment particulier pour cette raison. J’ai ensuite attendu la dernière semaine avant de tourner pour terminer le scénario, afin de pouvoir choisir les films que Quentin va voir selon la vraie programmation des salles au moment du tournage. J’avais envie que son programme puisse réellement être celui d’un cinéphile parisien à la fin du mois de juillet 2021.
Êtes-vous un grand cinéphile vous-même ?
Hélas pour moi, mais moins maladivement que Quentin tout de même, qui vit un peu trop par et pour le cinéma. Enfin, même si je ne suis pas du tout ce personnage, je lui ai prêté quelques-uns de mes avis, en poussant un peu les curseurs du fétichisme, sur Shyamalan notamment.
Comment avez-vous choisi de tourner dans le parc Montsouris ?
Mon court métrage précédent, L’Espace rapide, se déroulait intégralement dans le parc des Buttes-Chaumont, et j’ai eu envie de filmer mon autre parc préféré de Paris. J’aime être précis par rapport aux lieux dans mes films, afin que l’on puisse y prendre une sorte de plaisir géographique et documentaire. Trouver les lieux de tournage et les emplacements de caméra de Cléo de 5 à 7 a constitué en cela l’un des plus beaux moments de la fabrication du film. J’ai découvert récemment Haut bas fragile de Rivette, et j’ai été très ému devant les scènes tournées dans le parc. On aperçoit dans l’arrière-plan de l’une d’elles la statue que l’on a filmée lors de la déambulation de Quentin et Lise au crépuscule, qui était il y a 25 ans, entourée de plates-bandes. Filmer ces lieux permet d’enregistrer un morceau d’Histoire qui n’intéresse personne et qui est donc important : il n’y a plus de fleurs près de cette statue, mais les buissons autour de la cascade sont devenus une jungle. Sinon, c’est un parc dans lequel j’ai plusieurs fois bu des bières avec des gens que j’aime bien, je pense qu’il y a beaucoup de lieux que j’ai envie de filmer à cause de ça.
Qu’est-ce qui vous intéressait dans les rapports entre jeunes adultes et pensez-vous réaliser d’autres films autour de personnages dans cet âge ?
L’âge des personnages (aux alentours de 25-28 ans) est pour moi celui où l’on commence à avoir des regrets. Il y a des ami·e·s qu’on ne voit plus, des envies ou des passions qu’on a laissées de côté, un futur qui est soit complètement tracé, soit complètement obscur… Résultat, on observe davantage ce qui sépare les personnages que ce qui les rassemble. C’est un peu triste formulé de cette façon, mais j’espère avoir rendu ça un peu drôle aussi. Le film précédent était centré autour de personnages du même âge pour la plupart et d’adolescents pour l’un des trois segments du film. Je crois que j’ai du mal à écrire et à filmer des personnages plus âgés que moi. Ça ne m’est pas encore venu à l’idée, en tout cas.
Y a-t-il un court métrage qui vous a particulièrement marqué ?
Je peux citer les premiers films de Guiraudie. Ceux qui font un peu moins d’une heure (Du soleil pour les gueux et Ce vieux rêve qui bouge) sont sublimes, mais j’aime aussi beaucoup les très courts : Les Héros sont immortels et Tout droit jusqu’au matin. Il est très fort pour les beaux titres en plus.
Selon vous, qu’est-ce qui fait un bon film ?
Difficile de répondre à cette grande question théorique sans pirouette. Voici celle que j’ai sous la main : si c’est Fritz Lang qui met en scène, ça aide.
Pour voir À l’ombre l’après-midi, rendez-vous aux séances de la compétition nationale F4.