Goûter avec La Flûte enchantée
Entretien avec Geordy Couturiau, réalisateur de La Flûte enchantée
Parlez-nous des personnages de Momo et Arnaud. Sont-ils basés sur des personnes que vous connaissez dans la vie ?
Le personnage d’Arnaud tient son prénom d’un grand ami sans qui le film ne serait pas ce qu’il est, Arnaud Orengue. Il nous a accompagnés du début à la fin et nous avons tourné dans sa cité, Les Mordacs. Je voulais qu’il joue ce personnage mais les choses ont pris une autre tournure. Même s’il n’a rien à voir avec cet homme qui sort de mon imagination, celui que j’ai inventé n’existerait pas sans lui. C’est donc sur une réelle amitié que le film prend ses inspirations et il me semble que c’est un des principaux thèmes de cette comédie. À noter, celle que j’entretien avec Eliott Brunet, mon producteur qui est mon plus proche collaborateur, il a un talent extraordinaire et je lui pique parfois des idées, ou plutôt il se laisse voler pour notre bien à tous les deux. Le film et ses personnages lui doivent beaucoup. Momo c’est un grand rêveur. Il est à la fois à sa place et pas du tout. Pour tout dire je voulais l’interpréter. À l’écriture c’était donc mon ami et moi que j’avais en tête.
Qu’est-ce qui vous intéresse le plus dans leur relation ?
Ce qui s’est créé sur le tournage et qui n’était pas dans mes mots. Je suis assez fier de mon casting et je me suis beaucoup attaché à leur relation. Dans la vie ils ne partagent pas forcément les mêmes passions ou les mêmes automatismes mais il y a quelque chose d’évident qui les unis.
Pourquoi avoir fait le choix d’introduire un élément surréaliste ?
C’est plus fort que moi hélas. Je ne sais pas d’où viennent les idées, sinon j’irai à cet endroit tout le temps. Mais celle-ci m’est venue à un moment où je m’ennuyais pendant un très beau film de Jarmusch. Le personnage principal s’ennuyait également en regardant une télé qui diffuse des infos. Il y était dit qu’un trésor vieux de je ne sais plus combien de milliers d’années avait été retrouvé. À cette période je réécoutais La Flûte enchantée de Mozart et j’avais vu la version de Bergman qui est toute désuète et cocasse. Mon film n’a rien en commun avec cet opéra, si ce n’est quelques références pour m’amuser ; mais l’idée d’une flûte « enchantée » et l’ennui m’ont poussé vers ce choix.
Comment s’est déroulé le casting des personnages ?
C’était l’un des meilleurs moments. La plupart des personnages du film sont des habitants de Champigny et de la cité des Mordacs. Pour les seconds rôles nous avons été aidés par la Maison pour tous. Il y a d’abord eu une personne, puis au lieu de partir après le casting, tout le monde restait dans la salle. À la fin nous étions une vingtaine. À la fenêtre, des gens dans la rue criaient les répliques du film. C’était très drôle, nous avons été accueillis comme des amis et il y avait entre eux et envers nous une bienveillance extraordinaire. Hormis les policiers, il n’y a presque pas de comédiens professionnels dans les seconds rôles du film et pourtant je trouve qu’ils sont tous extrêmement justes. Pour les scènes en groupe j’avais peur de ne pas m’en sortir, mais au contraire, c’était un vrai bonheur. Concernant les deux personnages principaux par contre, Arnaud et Momo, c’est le fruit d’une longue recherche, avec un casting plus traditionnel. Et puis j’ai rencontré Esdras Registe, il avait appris le texte du mauvais personnage mais j’ai tout de suite su que c’était lui. Il a un talent immense et en plus d’être très beau c’est une énergie unique. À l’écran ce sont des ingrédients sympathiques, j’ai de la chance d’avoir pu en profiter. Pour Momo, nous repartons à nouveau sur le thème de l’amitié. Sachant que je faisais un casting, un de mes meilleurs amis, Guillaume Dietrich, m’a demandé s’il pouvait essayer. Il a dit ça pour s’amuser mais je l’ai pris très au sérieux. Il est auteur et compositeur dans la vie et c’est un des artistes les plus talentueux que je connaisse. Les essais ont été faits pour convaincre mon producteur mais je savais déjà que c’était lui et il est une des grandes raisons qui m’ont donné envie de faire ce film.
Quels sujets ou genres cherchez-vous à aborder en tant que cinéaste ?
Dans la vie j’ai un amour immense pour La pianiste d’Haneke, mais aussi pour Babe le cochon devenu berger, par exemple. Ce sont deux extrêmes mais c’est important. On demande souvent aux scénaristes ce qu’ils veulent raconter… J’invente toujours une réponse pour faire plaisir, mais en réalité je ne sais pas. J’ai besoin que ce soit vaste, que celui qui aura envie de voir le film puisse avoir suffisamment d’espace pour s’y faire sa place, y créer son histoire. Ça ne répond pas à votre question.
Y a-t-il un court métrage qui vous a particulièrement marqué ?
Mon court métrage de chevet est Foutaises de Jean Pierre Jeunet. Je trouve ce film brillant, indémodable, alors que je suis né la même année. Sinon récemment il y a The Last Name of John Cage de Margaux Guillemard qui était au festival Entrevues l’année dernière… Il dure quatre minutes trente-trois secondes et contient une force totalement saisissante. Un film rare et aussi personnel qu’universel, c’est admirable.
Selon vous, qu’est-ce qui fait un bon film ?
C’est forcément subjectif. Je pense que c’est le temps qui le dit et dévoile ce qu’il nous reste d’une œuvre. Pour moi ce n’est qu’une question d’émotions et de sentiments.
Pour voir La Flûte enchantée, rendez-vous aux séances de la compétition nationale F5.