Dîner avec Palestine 87
Entretien avec Bilal Alkhatib, réalisateur de Palestine 87
Le film est inspiré d’une histoire vraie. Comment l’avez-vous découverte ? Qu’est-ce qui vous a poussé à la raconter dans un court métrage ?
Le film raconte une anecdote survenue durant l’Intifada de 1987. C’est un chauffeur de taxi qui me l’a racontée, et si je l’ai enjolivée pour les besoins du cinéma, le scénario est bel et bien basé sur un collectage de récits personnels de ces années cruciales en Palestine. Je suis né dans un petit village près de Ramallah entouré de montagnes, à cheval sur la frontière entre les territoires palestiniens occupés en 1967 et ceux qui ont été colonisés en 1948. J’étais très jeune lors de l’Intifada de 1987, mais j’ai été témoin de la fin des événements, qui ont fortement marqué mes souvenirs. Un incident particulier reste gravé dans ma mémoire : lorsque les jeeps d’une patrouille de l’armée israélienne ont traversé mon quartier, des jeunes hommes, des gamins en fait, se sont mis à leur jeter des pierres. J’étais trop petit pour courir, et un jeune m’a soulevé de terre pour m’emmener avec lui. Nous nous sommes mis à l’abri. L’endroit où c’est arrivé a marqué à jamais mon imagination. Tout au long de ma formation de cinéaste, je suis revenu sur les lieux régulièrement, car pour moi, ces années ont forgé un langage visuel libérateur.
Pouvez-vous nous parler des conditions de tournage ? Où se situe le film ?
Nous avons tourné dans un petit village palestinien, Burham, par temps nuageux. Les costumes évoquent les années 1980, les chants semblent venir de la montagne, se mêlant au bruit du vent qui souffle.
Comment avez-vous choisi les acteurs ?
Le casting a été difficile, pour tout vous dire, surtout pour Mariam, car le rôle est délicat pour une actrice, surtout dans ma communauté. La plupart des acteurs jouaient pour la première fois, et nous avons beaucoup travaillé à intégrer des acteurs professionnels aux amateurs.
Pouvez-vous nous parler de votre parcours de cinéaste ?
Avant de me consacrer à ma passion pour la réalisation, j’ai participé à de nombreux tournages en tant que cadreur, éclairagiste ou caméraman, et ces diverses compétences ont contribué à consolider mon potentiel de réalisateur. Le premier film que j’ai réalisé était Billiardo, en 2016.
Quelles histoires avez-vous envie de raconter ?
Je reviens souvent sur les lieux de mon enfance, et je raconte des histoires sur les gens que je connais, qui vivent là-bas. Ce sont des récits de personnes en quête de liberté, des histoires humaines.
Quel a été votre film préféré cette année ?
Les Révoltés, de Amil Shivji. C’est un film tanzanien qui raconte une histoire magnifique, un récit politique sur l’amour et la justice.
Qu’attendez-vous du festival de Clermont-Ferrand ?
Je souhaite diffuser mon film au maximum. Au début, il a été difficile d’accéder aux festivals, à cause de la dimension politique du film. Heureusement, après le festival de Carthage, en Tunisie, le film a trouvé sa place et une forme de reconnaissance. J’espère aussi trouver un producteur ou des financements pour mon prochain film.
Quel est votre court métrage de référence ?
Il y a beaucoup de courts métrages que j’aime, il m’est donc difficile de répondre.
Que représente pour vous le festival de Clermont-Ferrand ?
L’essentiel pour moi, dans ce festival, c’est que ce sera de la première projection de mon film en Europe. Pour le film, ce sera également l’occasion de rencontrer un distributeur pour l’Europe et d’autres pays. Pour moi, ce sera une ouverture pour trouver un éventuel producteur pour mon prochain film, et l’occasion de rencontrer d’autres réalisateurs, d’échanger sur les succès et les embûches du métier. Je viens d’un endroit où l’accès à beaucoup de choses est limité, ce qui décourage souvent ceux qui veulent faire des films. J’espère que le festival va changer tout cela et ouvrir des portes.
Pour voir Palestine 87, rendez-vous aux séances de la compétition internationale I9.