Lunch avec Rien d’important
Entretien avec François Robic, réalisateur de Rien d’important
Comment vous est venue l’inspiration pour Rien d’important ?
Suite à un documentaire dans lequel j’avais filmé ma sœur et ses amis, j’ai eu envie de faire un film de fiction avec des personnes n’ayant jamais joué, qui interprèteraient leurs propres rôles durant des improvisations dirigées, retravaillées en direct au moment du tournage. Je voulais aussi faire un film simplement, en tout petit comité, sans impératifs de financement pour lesquels je devrais passer des années à attendre. Le film questionne le choix difficile consistant à partir ou à rester dans son village natal, les conséquences de celui-ci. Une question assez cruciale pour moi, toujours vive. Cela dit, ce choix me semble universel. À mon avis, c’est lui qui permet au film de ne pas tomber dans l’anecdotique.
Qu’est-ce qui vous a poussé dans votre désir de réalisation : plutôt cet instant de vie à partir duquel vous avez inventé des personnages et un contexte ou plutôt une envie de dépeindre ces personnages précisément, dans cet instant comme dans d’autres que vous avez pu imaginer ?
Le scénario s’inspire de mon vécu d’éboueur saisonnier l’été qui a suivi l’obtention du baccalauréat. Je n’ai pas écrit les personnages au sens classique du terme, leur composition est le fruit du travail des comédiennes que j’ai dirigées. Ensemble, nous avons tenté de trouver la manière juste de vivre les situations que le scénario contenait. Parfois, les scènes s’en sont trouvées profondément transformées. La fin du film, par exemple, était pensée comme un moment de comédie, placé au début du récit. Finalement, c’est devenu un épilogue mélancolique à cause de la manière dont ma sœur l’a vécue durant le tournage. De la même façon, ce que Flora confie à Gaëlle dans son long monologue vient en grande partie d’elle, elle exprime quelque chose que je partage avec ses propres mots et son vécu. En dépit de la méthode de fabrication du film, j’avais écrit un scénario relativement précis, bien que je ne l’aie pas donné aux actrices et aux acteurs. Non parce qu’il contenait un quelconque secret que je n’aurai pas souhaité leur divulguer, mais plutôt pour les préserver d’une certaine fabrication inévitable qui conduit parfois les comédiens novices/amateurs à une certaine fausseté.
Qu’est-ce qui vous intéressait chez les jeunes adultes et la période juste après le lycée ?
Je pense que c’est une période de laquelle je suis sorti, j’ai donc un certain recul sur celle-ci, nécessaire pour en dégager un film pertinent. Bien sûr je garde tout de même une proximité temporelle avec cet âge, un bon juste milieu. L’envie de représenter une jeunesse rurale populaire, un métier peu considéré et sous payé bien qu’absolument nécessaire, me parle dans la mesure où je viens de là. Cependant, je ne veux pas m’appesantir sur la nécessaire représentation de ce que j’ai connu et de ce que je suis, sur le fait qu’elle serait manquante. Les personnages ne sont pas des schémas sociologiques voués à délivrer un discours qui dépasserait le film. Ma sœur et Flora sont pleines d’acuité sur le monde, pensent par elles-mêmes dans une période où il est très compliqué d’énoncer un point de vue personnel original. Elles font partie d’une génération plus triste que celles qui ont précédé car plus consciente du marasme politique et social de notre pays, et du monde en général. Le film n’a pas la prétention de raconter cela mais mon intérêt personnel pour elle et les personnes de leur âge vient aussi de là.
Comment avez-vous rencontré les comédiennes ?
Je le disais Gaëlle est ma sœur. Flora est la sœur d’une de mes meilleures amies. René est son père, mécanicien et éboueur de métier. J’ai travaillé avec lui et je le connais depuis toujours. Impossible de me rappeler d’une rencontre avec les autres jeunes interprètes tant on se connait et on se croise depuis toujours. Ma grand-mère joue aussi dans le film avec son amie/voisine Marie Jeanne. Parfois les personnages sont écrits pour ceux qui les jouent, parfois je me demande qui parmi mes connaissances pourrait les jouer.
Quel est votre court métrage de référence ?
Rien à voir avec mon film mais La Peur, petit chasseur de Laurent Achard est peut-être le film court que j’aime le plus. Très impressionnant et rigoureux tout en étant très simple et modeste.
Que représente pour vous le festival de Clermont-Ferrand ?
Rien d’important est mon cinquième court métrage et sa sélection au festival est un encouragement et une reconnaissance extrêmement bienvenus. Au vu du rapport très personnel que j’ai au film, de sa méthode de fabrication si particulière et fragile je suis très heureux de pouvoir le partager avec un public, surtout dans un lieu comme celui-ci.
Pour voir Rien d’important, rendez-vous aux séances de la compétition nationale F8.