Dîner avec Horacio
Entretien avec Caroline Cherrier, réalisatrice de Horacio
Comment vous est venue l’inspiration pour Horacio ?
Mon oncle, qui travaillait avec des détenus, m’avait rapporté un échange avec un condamné qui avait résumé son acte à ces mots très simples : « Elle gueulait, elle gueulait, et après… Elle gueulait plus. » Ça m’avait marqué parce que c’est brut et simple. C’est parti de là.
A quel point l’acte de violence est-il important dans Horacio ?
Pour le personnage principal, il n’est pas si important que ça. Il est important pour les gens qui l’entourent. L’idée du film c’était de décrire une distance : la distance à la morale, aux sentiments des autres, qu’éprouve le protagoniste. La scène de violence, je l’ai donc voulue anti-dramatique. Il fait beau, c’est un peu mou, et c’est un peu raté.
Comment avez-vous travaillé sur le psychisme du personnage ? Peut-on parler de détachement émotionnel excessif ?
Il est aussi distant de l’horreur de la violence qu’il est très attaché à de petits détails. C’est sur cet axe, de l’attachement aux petits détails innocents ou ennuyeux, que j’ai voulu travailler. C’est par cela que l’on montre sa distance au reste. Les plans rapprochés, son regard qui part se perdre sur des détails quand il se passe à côté de lui des événements importants, c’est ce que j’ai voulu mettre en avant.
En quoi le rapport à la voix, parlée ou chantée, et à l’occupation de l’espace par la voix, vous intéressait ?
L’utilisation de voix in et off accentuait la distance, justement. Mélanger deux temporalités : le moment où il parle et le moment de l’action, permettait de rendre l’action plus lointaine.
Quel est l’avenir du format court métrage d’après vous ?
Je pense que le court a un bel avenir devant lui ! Le format des vidéos sur internet a peut-être réhabitué à regarder des histoires courtes, et à en rechercher. Les plateformes VOD, YouTube, Vimeo, aident à le rendre accessible partout.
Demain on reconfine, quels plaisirs culturels conseillez-vous pour échapper à l’ennui ?
Déjà, si on reconfine (à l’heure où j’écris ces lignes on est encore en couvre-feu), je boude. Je boude devant l’Élysée, je boude partout, pour qu’on rouvre les cinés. Je doute que de me voir bouder aura un effet politique quelconque, mais je bouderais quand même. Mais si on est de nouveau enfermés, pour passer le temps… Je conseillerais la peinture. Ça plonge dans un état méditatif, ça permet de regarder de très près le monde et ses couleurs. Je crois même qu’on lui doit bien ça, au monde, de le regarder avec beaucoup, beaucoup d’attention, de temps en temps. Même enfermé, on peut toujours peindre un truc, une tomate, ce que l’on voit par la fenêtre. Sinon, lire, regarder de temps en temps un film. Ou ne pas essayer d’échapper à l’ennui et regarder par la fenêtre en pensant à des trucs, comme quand on était petits et qu’il pleuvait. J’en ai de bons souvenirs.
Pour voir Horacio, rendez-vous aux séances de la compétition nationale F11.