Breakfast avec Orgiastic Hyper-Plastic
Entretien avec Paul Bush, réalisateur de Orgiastic Hyper-Plastic
Votre inspiration première vient-elle des objets, ou de leur accumulation, ou bien de l’axe de réflexion ?
Depuis Furniture Poetry, en 1999, je fais de l’animation de remplacement en utilisant de multiples objets de récupération à la forme similaire. Voilà longtemps que j’avais envie d’animer des déchets en plastique. Il y a une dizaine d’années, j’avais fait cette proposition à une école chinoise qui m’avait contacté pour réaliser un film avec ses étudiants, mais ils n’aimaient pas cette idée. Puis, en 2015, j’ai réalisé The Five Minute Museum, une balade animée dans un musée européen imaginaire – une histoire excentrique d’objets fabriqués par les hommes de l’âge de pierre à nos jours. J’ai décidé de terminer le film par une séquence de déchets de plastique animés. Mais je n’étais pas rassasié, j’avais envie d’aller plus loin. Qu’est-ce qui nous inspire un film ? Souvent, c’est le film précédent.
Les questions environnementales vous intéressent-elles particulièrement ? Avez-vous d’autres projets en tête sur ce sujet ? Des conseils ou un engagement à partager ?
Bien des choses ont été dites sur le sujet, et par des gens bien plus informés que moi. Cependant, je voudrais insister sur un point : il y a des jeunes qui sont activement impliqués dans la lutte pour la réduction des déchets en plastique. Pourtant, quand je ramassais des déchets plastique dans les rues de Londres, c’est autour des écoles que j’en trouvais le plus. Tout le monde doit changer de comportement, y compris les jeunes. Mais comme le suggère mon film, c’est une matière magnifique aux utilisations multiples. Elle ne coûte pas cher, et elle demande très peu de ressources pour sa production. J’ai grandi à la grande époque du plastique, où la plupart des jouets que nous aimions étaient en plastique. Il ne sera pas facile de changer. J’ai réalisé une version plus courte de mon film à des fins de sensibilisation, et on a prévu d’en réaliser un nouveau qui reprend la même idée, à destination des tout-petits.
Pouvez-vous nous expliquer votre technique ? Comment faites-vous « bouger » les objets, pour donner l’impression qu’ils ont été animés en vrai ?
La première fois que j’ai fait de l’animation de remplacement avec des objets de forme similaire, c’était dans les années 1970, lors de mes études, mais après Furniture Poetry, c’est devenu une technique très prisée. Elle est facile à mettre en œuvre et donc souvent imitée, et elle a côté séduisant qui fait qu’on l’utilise beaucoup dans la publicité. Plus jeune, j’ai touché à plein de techniques différentes, mais celle-ci m’a agréablement surpris. Elle m’a donné le moyen de montrer le monde d’une façon qui est propre à la mécanique de la caméra. Elle n’emprunte rien à une autre forme artistique, contrairement à la plupart des techniques cinématographiques. C’est un langage nouveau, une branche du cinéma et de l’animation qui m’a poussé dans diverses directions. Dans ce film, j’ai mélangé cette technique avec de l’animation en volume plus conventionnelle – les figurines en plastique animées par Christophe Peladan.
Comment avez-vous élaboré le scénario ?
Les divers objets en plastique ont inspiré différentes séquences. Il y a plusieurs petites histoires dans le film, une structure qui rappelle The Five Minute Museum. L’accumulation des figurines de plastique au fil du film se déroule parallèlement aux autres mini-récits. Chaque récit est en soi une accumulation et le mouvement général du film conflue vers l’accumulation, l’excès et la surconsommation. Le tout est souligné par une bande sonore composée par Andy Cowton, avec qui j’ai travaillé sur presque une vingtaine de films.
Quel est l’avenir du format court métrage d’après vous ?
Il n’y a pas d’avenir. Mais si vous m’aviez posé la même question à mes débuts, il y a quarante ans, je vous aurais fait la même réponse. Là où j’ai raison, c’est qu’il n’y a pas d’avenir pour le court métrage au Royaume-Uni. Heureusement, il y a des festivals comme le vôtre, et l’intérêt sans cesse renouvelé pour le court métrage dans d’autres pays, en France en particulier, continue à me faire mentir.
Demain on reconfine, quels plaisirs culturels conseillez-vous pour échapper à l’ennui ?
Pour ma part, ce sont les grands romans, ceux qui gagneraient peut-être à être plus courts, mais qu’on a à présent le temps de lire : Les Mandarins, de Simone de Beauvoir, Si rude soit le début, de Javier Marias et Agneau noir et faucon gris de Rebecca West, pour n’en citer que trois. Et pour ce qui est de la bande dessinée, les œuvres complètes de Guido Crepax, qui sont sorties dans une superbe édition, des volumes si lourds qu’on peut à peine les soulever. Il n’y a pas assez de films et je déteste les séries télé car les structures et les ficelles qui les font fonctionner sont désespérément cousues de fil blanc, mais heureusement, le confinement ne me dérange pas dans mon travail, j’ai donc du pain sur la planche en termes d’animation.
Pour voir Orgiastic Hyper-Plastic, rendez-vous aux séances de la compétition labo L3.