Dîner avec The Executioner (L’Exécuteur)
Entretien avec Yue Huang, réalisateur de The Executioner (L’Exécuteur)
Comment est né The Executioner ?
Je dirais que c’est le développement économique rapide de Shanghai qui m’a stimulé. Mon studio est situé en centre-ville, où se trouvent de nombreux immeubles commerciaux. Les gens ne cessent de parler de la création de valeurs économiques, et je suis surpris que presque toute la population place l’économie en tête de ses priorités et suive cette règle au jour le jour. Je partage des espaces de bureau avec un revendeur de matériaux de construction et j’adore échanger avec lui : sa façon d’envisager son travail au quotidien m’a beaucoup attiré. J’ai compris qu’il devait réaliser de nombreuses tâches qui ne dépendaient pas de lui, même s’il résistait mentalement pendant le processus. Et après, il émet des commentaires négatifs sur ses actions, alors qu’il doit persévérer pour atteindre son objectif. Il est comme un jouet mécanique : s’il commence à être défectueux, il continue de fonctionner jusqu’au bout. J’ai adapté une partie de son expérience pour réaliser ce film. Nous nous sommes rendus sur des sites de construction pour obtenir l’autorisation de tourner et nous avons eu de la chance. Pour finir, je l’ai convaincu de jouer le rôle du personnage principal qu’il m’avait inspiré.
Pouvez-vous nous en dire plus sur le processus d’écriture de l’intrigue ?
Au tout début, j’avais envisagé une narration double, qui incluait l’enquêteur (le personnage principal) et l’employé. En avançant dans le processus d’écriture, j’ai compris qu’un personnage avec un point de vue majeur pourrait se rapprocher de cette idée s’il faisait des recherches sur les autres. D’une certaine manière, l’enquêteur et l’employé ont fini par ne former plus qu’un dans mon histoire.
Pour vous, quelle a été la partie la plus complexe lors de la réalisation de The Executioner et pourquoi ?
L’un des points les plus sensibles est sans aucun doute la relation entre le cinéma et l’argent : nous avions un budget très limité et nous avons donc tout calculé et anticipé. Pour différentes raisons, le tournage a connu plusieurs changements et nous avons dû nous adapter à de nombreux paramètres. Quand j’étudiais à l’institut des Beaux-Arts, je plaçais l’esthétique avant tout. Quand je suis revenu en Chine, j’ai trouvé mes pairs plus susceptibles d’agir dans un système dirigé par l’argent plutôt que par les sentiments, ou du moins plus à l’aise avec cette idée. Une fois notre budget épuisé, j’ai dû me séparer de la plupart des membres de mon équipe et nous nous sommes retrouvés à deux sur ce projet : Wenqian Zhang et moi. Heureusement, il ne s’agissait pas de notre première collaboration. Je pense que le conflit entre l’art et l’argent va perdurer, au-delà de ce court métrage. Nous devons nous faire à cette idée et trouver comment gérer ce paramètre dans nos prochaines productions.
Quelle réaction attendez-vous de la part du public ?
Je n’ai pas d’attentes particulières, car je n’ai pas placé beaucoup d’obstacles dans ce film. Mais je suis curieux de voir quelles seront les réactions des spectateurs venant d’horizons sociaux différents.
Y a-t-il un court métrage qui vous a particulièrement marqué ?
Je n’ai pas regardé beaucoup de courts métrages, mais je vais vous en citer quelques-uns de réalisateurs qui ont aussi travaillé sur des longs métrages. Les courts métrages d’Apichatpong Weerasethakul comptent parmi ceux qui m’ont profondément marqué. Ils sont spirituels, intelligents et remplis d’aventures et de créativité. J’aime beaucoup le point de vue qu’il adopte et son utilisation du son dans ses films, notamment dans Night Colonies, son dernier, qui fait partie de l’anthologie The Year of the Everlasting Storm.
Selon vous, qu’est-ce qui fait un bon film ?
Pour moi, il est plus simple de répondre à la question « Qu’est-ce qui fait un bon film d’auteur ? ». Comme la littérature et la peinture de qualité, de bons films d’auteur me feront repenser la relation que j’entretiens avec le monde. En réalité, je ne pense jamais intentionnellement à ces questions dans ma vie de tous les jours, mais après avoir regardé certains films je ressens certaines choses et j’ai comme des impulsions. C’est le cas avec les films de Robert Bresson.
Pour voir The Executioner(L’Exécuteur), rendez-vous aux séances de la compétition internationale I6.