Dernier verre avec Invincible
Entretien avec Vincent René-Lortie, réalisateur de Invincible
Pourquoi avoir choisi de faire de l’histoire de Marc-Antoine le sujet de votre film, Invincible ? Le synopsis précise que le film est inspiré d’une histoire vraie. Voulez-vous nous en dire un mot ?
Invincible est directement inspiré de l’histoire de mon ami d’enfance Marc-Antoine Bernier, mort à l’âge de 14 ans après qu’il eut plongé dans une rivière au volant de la voiture qu’il conduisait. À mes yeux, son décès a toujours suscité une grande incompréhension. Du jour au lendemain, celui que j’appelais mon meilleur ami était passé d’un enfant surdoué, débordant d’énergie et d’amour, à un jeune garçon instable et troublé psychologiquement. Il y a plusieurs années, ma passion pour le cinéma m’a donné une occasion inespérée de déterrer cet événement tragique et de tenter de le comprendre. J’éprouvais le besoin de reconnecter avec Marc. Moi qui pendant longtemps doutais de la thèse du suicide, j’ai rapidement compris que cette histoire était beaucoup plus complexe qu’elle en avait l’air lorsque j’étais enfant. Après plusieurs années de recherche, j’ai grandement appris sur la santé mentale de Marc, mais aussi, sur les problèmes de comportement chez plusieurs jeunes de cet âge. Je sentais que son histoire devait être racontée dans l’espoir de faire réfléchir et de soulever des questions sur l’importance de mieux saisir la réalité de la santé mentale chez les adolescents.
Votre film contient des scènes difficiles, particulièrement émouvantes. Comment avez-vous dirigé vos acteurs lors du tournage ?
Il s’agissait de mon premier court métrage de fiction, alors je sentais en moi la nécessité de bien me préparer. J’ai énormément travaillé en amont du tournage avec tous les acteurs du film, mais principalement la jeune distribution. Ce que j’aime le plus faire, c’est avant tout de développer une relation de confiance mutuelle. On répète un peu et on discute beaucoup. Cela me permet de réécrire les scènes, de les réinterpréter. Sur le tournage, j’aime savoir exactement ce que je vais filmer, du découpage aux dialogues. C’est ainsi que je me sens le plus en confiance. Mais cette manière de créer me permet ensuite de lâcher prise sur le plateau. J’aime quand mes acteurs me surprennent, improvisent ou me proposent des variations de jeu. Invincible en était le parfait exemple. Je me suis principalement concentré sur le jeu d’acteur, je donnais des indications simples, basées sur toutes ces conversations faites en amont, et je leur faisais confiance.
Le personnage principal est interprété par Léokim Beaumier-Lépine. Comment l’avez-vous rencontré et comment s’est passé votre collaboration ?
C’était un très long et beau processus ! Avec l’aide de mon directeur de casting Victor Tremblay-Blouin, nous avons travaillé d’arrache-pied, sur une durée de plusieurs mois, pour trouver le personnage de Marc. Nous étions principalement à la recherche d’un non-acteur pour la simple raison que nous voulions quelque chose de pur et d’honnête. Léokim s’est avéré être une évidence dès notre première rencontre. J’ai rarement vu un jeune garçon aussi proche de ses émotions. C’était à couper le souffle ! Puis dans les mois qui ont précédé le tournage, nous avons organisé des rencontres une à deux fois par semaine afin de travailler le personnage de Marc, de le découvrir ensemble. C’était une magnifique expérience de connexion et d’apprentissage, autant pour lui que pour moi. Enfin, sur le tournage, comme mentionné plus haut, une grande partie du travail était accomplie. Dès que je disais “Action”, Léokim savait toujours comment bien interpréter son personnage. C’était impressionnant. Je suis vraiment fier de lui puisqu’il a travaillé très fort pour y arriver !
Le motif de l’eau est récurrent dans le film. Que représente-t-il ?
L’eau et le feu, les extrêmes, représentent le sentiment d’invincibilité de Marc. Ce dernier aimait pousser les limites de son corps, aller toujours plus loin, quitte à risquer sa vie. C’est d’ailleurs pour cela qu’au début du film, le personnage reste sous l’eau jusqu’à ce qu’il ne puisse plus respirer. Il n’avait peut-être pas conscience de la mort, après tout. Mais l’eau l’emportera inévitablement sur le feu, cette flamme qui brûlait en lui. C’est là où Marc terminera ses jours. Pour moi, l’eau était aussi une manière d’expliquer que le décès du jeune garçon était probablement involontaire. Marc pensait peut-être au fond de lui survivre, comme il l’avait toujours fait jusqu’à cet instant.
Quel est votre court métrage de référence ?
Mes inspirations étaient principalement des longs métrages, dont Fish Tank d’Andrea Arnold et Fruitvale Station de Ryan Coogler. Mais je me souviens avoir été particulièrement ému par un film présenté au festival de Clermont-Ferrand en 2018, soit le court métrage Sirene de Zara Dwinger. Cette œuvre propose une image vraie, axée sur la performance de ses acteurs.
Que représente pour vous le festival de Clermont-Ferrand ?
C’est en quelque sorte un rêve qui se réalise ! Il y a 5 ans, mon film de fin d’études La Volière y était présenté à l’intérieur du Programme Québec en courts organisé par la SODEC. Durant ces deux semaines, j’ai regardé 98 films et rencontré des artistes incroyables venant des quatre coins de la planète. C’était une magnifique et émouvante expérience. De toute cette énergie créative est née l’idée d’écrire Invincible, mon œuvre la plus personnelle jusqu’à présent. À mes yeux, Clermont représente la naissance de ce film, alors c’est un honneur de pouvoir venir le présenter dans l’immense salle de la Maison de la culture.
Pour voir Invincible, rendez-vous aux séances de la compétition internationale I8.