Breakfast avec Ma nishtana (Qu’est-ce qui a changé ?)
Entretien avec Salomon Chekol, réalisateur de Ma nishtana (Qu’est-ce qui a changé ?)
Comment est né Ma nishtana ?
Le film est né quand j’ai repensé aux paquets que nous recevions pour les fêtes quand j’étais plus jeune. Je me suis mis à imaginer un soldat transportant jusqu’à chez lui un paquet que lui a fourni l’armée. Je me souviens de ces regards, de ce sentiment de honte que peuvent faire naître des enfants et des personnes qui n’ont pas besoin d’un tel don. Quand j’ai commencé à écrire le scénario de Ma nishtana, j’avais en tête ce soldat, le paquet dans les bras, qui ne pensait qu’à une seule chose : réunir sa famille autour d’un repas. Au même moment, la relation de mes parents battait de l’aile. Un jour, mon père m’a appelé et m’a demandé d’apporter à Jérusalem un sac en plastique contenant ses économies en liquide. C’était un sac assez ordinaire qui ne contenait pas non plus une somme astronomique. J’ai gardé l’argent dans mon placard pendant quelque temps. Je le surveillais de près et j’étais préoccupé parce que j’avais compris que ce sac contenait aussi bien les peurs et les espoirs de mes parents que mes propres espoirs. La pression qui entourait cet argent a réveillé nos fantômes et n’importe quel sujet est devenu sensible et source de tensions. J’ai vu comment cela motivait chacun des membres de notre famille : nous étions tous dans l’anticipation de ce qui pourrait se produire. C’est ce qui m’a poussé à écrire.
« Qu’est-ce qui a changé ? » (« Ma nishtana ») est une des questions posées lors de la Haggadah de Pessah. Pourquoi avoir choisi ce titre ?
La Haggadah de Pessah est remplie de symboles et de pouvoirs, et c’est également une des plus belles histoires jamais imaginées à de nombreux niveaux. La question « Qu’y a-t-il de changé cette nuit, par rapport aux autres nuits ? » faisait partie de celles que j’ai dû me poser pendant tout le processus d’écriture. Pour moi, l’histoire de Shai, le soldat, entre en résonance avec l’exode d’Égypte, qui évoque le passage de l’esclavage à la liberté, ainsi que tous les obstacles à surmonter en chemin.
Que cherchiez-vous à explorer avec la relation qui unit Shai, le soldat, et sa famille ?
Je voulais montrer et faire ressentir le fossé générationnel entre un père et son fils, ainsi que la pression constante autour de l’argent, non seulement au sein de la famille, mais aussi avec les voisins. À quel moment un changement de comportement et les différences culturelles causent-ils une véritable éruption, aussi bien en eux, dans leur vie que dans leur foyer ?
Y a-t-il un court métrage qui vous a particulièrement marqué ?
Ce mois-ci, j’ai eu la chance de pouvoir visionner Oslo, de Shady Srour, qui est tout simplement un film très fort, du début à la fin.
Selon vous, qu’est-ce qui fait un bon film ?
Je me pose également cette question, la vie est pleine de surprises ! Un bon film peut pénétrer la douleur présente en chacun de nous et l’observer depuis différents points de vue, afin de comprendre les émotions qui nous animent, sans pour autant prendre parti à un quelconque moment. Cela doit être naturel, sans jugement, et permettre de donner libre cours aux sentiments. Un bon film me donne à voir des tranches de vie, assemblées pour créer quelque chose de beau, quelque chose d’émouvant qui vous touche en plein cœur.
Pour voir Ma nishtana (Qu’est-ce qui a changé ?), rendez-vous aux séances de la compétition internationale I9.