Lunch avec Daphne (Daphné)
Entretien avec Tonia Mishiali, réalisatrice de Daphne (Daphné)
Pouvez-vous nous parler de Daphne, le personnage principal, et de ce qui vous a amenée à écrire son histoire ?
Daphne est mère célibataire. Son absence de communication avec son fils, un ado asocial qui s’est fait happer par la technologie, la fait souffrir. Elle est en télétravail à cause des mesures de restriction liées à la pandémie, et n’a donc pas d’autres relations humaines. Elle se sent seule, et par ces temps de couvre-feu et de confinement, elle n’a pas l’occasion de sortir pour rencontrer des gens. Elle s’inscrit donc sur une application de rencontres. C’est mon propre besoin d’expression artistique après avoir été enfermée chez moi si longtemps, ainsi que mon envie de relations humaines, qui m’ont amenée à écrire cette histoire, tout en essayant d’évoquer l’instinct de survie propre à la nature humaine.
Le film se passe pendant le confinement. Était-il important de placer le personnage dans ce contexte précis ?
C’est le thème du film, ce désir désespéré d’amour et de tendresse du personnage. Il était important de placer la placer dans le contexte de la pandémie et des confinements car son désir s’est intensifié pendant cette période, et le sentiment de solitude s’est installé. C’est la solitude qui crée en elle ce besoin désespéré de contact humain.
Quelles difficultés avez-vous rencontrées dans la réalisation du film ?
Daphne a été tourné avec peu de moyens (un budget de dix mille euros), car nous n’avions pas de subventions publiques, nous avons donc rencontré beaucoup de difficultés. J’avais écrit le film pendant le confinement, et je voulais le réaliser aussi vite que possible, car j’avais moi-même un grand besoin d’être créative. Beaucoup de collègues et d’amis qui travaillent dans le cinéma m’ont aidée à concrétiser mon projet. Cela m’a pris plusieurs mois, mais j’ai fini par réunir une équipe, et nous avons tourné le film en trois jours, après le troisième confinement. Nous avons été constamment confrontés au manque de moyens, mais grâce à l’enthousiasme de l’équipe, nous avons réussi à boucler le film.
Daphne montre de façon assez crue et réaliste ce besoin de tendresse à l’époque actuelle. Était-il important pour vous de porter ce thème à l’écran ?
La tendresse, c’est une chose dont nous manquons à l’heure actuelle. Nous sommes tellement pris par le boulot, les choses matérielles, que nous ne savons plus communiquer avec les autres, ni exprimer nos sentiments. Il était important pour moi de porter à l’écran ce besoin intense de tendresse, qui transcende le rapport physique. Je voulais souligner le fait qu’à l’heure actuelle, les besoins émotionnels des gens sont inassouvis et que les limites de l’être humain sont mises à l’épreuve – et que lorsque les gens sont mis à l’épreuve sur le plan émotionnel et physique, des comportements nouveaux peuvent surgir de façon inattendue et incontrôlable.
Quel est votre court métrage de référence ?
Wasp d’Andrea Arnold est un de mes courts métrages préférés. C’est film remarquablement bien fait, sur tous les plans, qui parle d’une jeune mère célibataire bien décidée à ne pas laisser ses quatre enfants gâcher une sortie au pub avec un garçon qui lui plaît. C’est le style de cinéma que j’aime.
Que représente pour vous le festival de Clermont-Ferrand ?
Le festival du court métrage de Clermont-Ferrand est le plus grand festival de cinéma dédié au court métrage. Il représente la réussite et la reconnaissance pour tout réalisateur sélectionné sur plus de 8000 candidatures. Nous sommes très honorés !
Pour voir Daphne (Daphné), rendez-vous aux séances de la compétition internationale I5.