Dernier verre Ville éternelle
Entretien avec Garance Kim, réalisatrice de Ville éternelle
Pourquoi le 77 ? Qui vous a inspiré ces deux personnages ?
Le film avait pour point de départ une volonté de rencontre entre deux personnages qui ne sont pas censés se retrouver ensemble, et nous avons pour cela décidé de les nourrir d’anecdotes personnelles respectives. Même si ces personnages ne sont pas réellement nous, ils nous sont proches car il nous paraissait évident qu’étant donné notre envie de tourner en autoproduction, et dans un délai relativement rapide, l’ambition de rôles de composition nous paraissait trop risqué pour un projet qui devait rester « simple ». Tourner dans le 77 est venu naturellement, il y avait ce désir de filmer l’aéroport Charles-de-Gaulle, et il se trouve que Martin Jauvat (ndlr : producteur et acteur du film) a écrit et tourné tous ses films à Chelles (sa ville) et dans les environs et qu’il avait le désir de poursuivre ce travail. Nous avions envie de continuer à explorer et filmer ces zones péri-urbaines, souvent qualifiées de « non-lieux », et d’y faire naître justement quelque chose.
Qu’est-ce qui vous a décidé à jouer le rôle principal ? Comment s’est déroulée cette expérience ?
Le fait d’écrire pour nous mettre en scène a été un moteur important dès le début du projet. En effet, Martin tout comme moi avons ce désir très fort de jouer, mais moins d’opportunités que nous en aimerions. Il a été alors assez évident que nous voulions nous lancer dans ce procédé et que c’était même une condition de notre film. L’expérience sur le tournage a pu être relativement limpide car nous avons écrit pour nous-mêmes. Par contre, nous avions très peu de temps de tournage et ne regardions jamais les prises, nous nous en remettions alors aux ressentis et avis de Vincent (le chef-opérateur image) et d’Emeline et Loryne (l’équipe son) qui ont été absolument géniaux autant dans leurs postes qu’en termes de retour à nous faire sur le jeu.
Pouvez-vous expliquer le choix du titre ?
Lili doit se rendre à Rome, ville qu’on surnomme « la ville éternelle ». Or la ville dans laquelle se recroisent Lili et Thibault dans le 77 est aussi éternelle pour eux deux : elle restera quoiqu’il arrive la ville de leur enfance commune et de leur re-rencontre, un noeud de lien éternel. Nous aimions le miroir inattendu que cela induisait.
Où en êtes-vous dans votre carrière de cinéaste ?
La trajectoire de Ville éternelle est une réelle (et très belle) surprise pour moi. Quand on tourne un projet en autoproduction et bénévolement, on ne s’autorise pas vraiment à penser à la suite, car on sait que les chances pour que le film parvienne à vivre sont très fragiles, qui plus est quand on sort un peu de nulle part et que votre nom ne dit rien à personne. La sélection au festival Côté Court à Pantin a été un énorme détonateur, je suis extrêmement reconnaissante envers Chloé Cavillier (pré-sélectionneuse) et Jacky Evrard (directeur du festival) d’avoir fait entrer ce film dans leur sélection. De plus, la lumière faite sur le film à ce moment-là m’a permis de rencontrer Tripode, la production avec qui je prépare mon prochain court métrage. C’est un peu le même procédé, j’écris avec un ami comédien, Théo Costa-Marini, et nous jouerons ensemble dedans, avec deux autres personnages cette fois-ci. Je suis aussi en développement d’un long métrage, et j’ai d’autres courts métrages en écriture. Même si la majorité de ces projets ont pour but d’être produits, il m’est aussi important de continuer à faire des films autoproduits, pour l’énergie qui s’en déploie, les contraintes qui sont différentes, et parfois une certaine liberté.
Quels sont vos sujets de prédilection ? Vos sources d’inspirations ?
Ce n’est pas très original, mais j’aurais tendance à dire que j’aime parler des gens, de toutes sortes de gens, mais de ce qui se remue au fond de leurs pensées, des ambiguïtés qui nous composent. Bien sûr, dans tout cela, il y a aussi sûrement beaucoup d’Amour, au sens large et avec un grand A.
Un coup de coeur cinéma de 2022 ?
Plutôt un documentaire, Soy Libre de Laure Portier. C’est la première fois qu’en sortant d’une salle je pleurais encore de longues minutes dehors dans la rue.
Quel est votre court métrage de référence ?
Å Vokte Fjellet (To Guard a Mountain) d’Izer Aliu, vu au festival Premiers Plan à Angers en 2012. Une grande claque.
Que représente pour vous le festival de Clermont-Ferrand ?
Mon cœur a fait un bond quand j’ai reçu le mail de sélection. En 2018, j’y avais accompagné un ami, Jules Follet, pour son film Waterfountain. J’avais vu tellement de beaux films, et notamment en compétition labo dont j’ai des souvenirs très marquants. Je me souviens aussi d’une très belle énergie de rencontres, beaucoup de monde, mais j’étais plus jeune et n’avais pas de films à mon actif alors je n’y prenais pas réellement part, mais qu’est-ce que j’étais fière de mon pote. Quand j’ai annoncé ça à mes ami(e)s, une copine qui ne connaissait pas ce festival l’a cherché sur Google, et m’a envoyée une capture Wikipédia qui dit que c’est « la plus importante manifestation cinématographique mondiale consacrée au court métrage « . Mondiale. J’ai un peu le vertige à vrai dire ! Mais je suis très heureuse de toute cette aventure. Et surtout, d’être si bien entourée par une équipe aussi merveilleuse, et des proches qui le sont tout autant.
Pour voir Ville éternelle, rendez-vous aux séances de la compétition nationale F12.