Breakfast avec Go Fishboy
Entretien avec Denise Cirone, Sebastian Doringer, Andrey Kolesov, Chiayu Liu, Zhen Tian et Lan Zhou, coréalisateurs de Go Fishboy
Quel est le point de départ de Go Fishboy, une idée abstraite ? Ou bien une image, un dessin ?
L’histoire a germé de l’atelier d’écriture de l’école. Deux membres de l’équipe, Sebastian et Zhen, ont présenté l’idée d’un garçon poisson, dont le père était un chef cuistot spécialisé dans les sushis. On a brassé beaucoup d’idées, mais on aimait tous celle-ci en particulier, et on s’est dit qu’elle pourrait devenir une chouette histoire. On a fait des tas de remue-méninges où chacun évoquait son vécu et son ressenti dans des situations conflictuelles comparables. Cette phase de pré-production a été capitale pour le scénario comme pour la dynamique collective. Ça nous a soudés entre nous et aidés à construire un lien qui n’a fait que se renforcer mois après mois.
Pourquoi avoir situé l’action au Japon ?
Dès le départ nous savions que l’histoire devait se dérouler dans le monde réel, et plus précisément au Japon, pour le côté sushi et pour la place donnée au Japon à la transmission et aux traditions familiales. C’est pourquoi, sachant qu’aucun de nous n’est japonais, nous nous sommes documentés et renseignés pour être sûrs de rester respectueux envers la culture japonaise. Cependant, nous voulions aussi créer une histoire d’autant plus universelle que nos origines géographiques et culturelles sont très diverses.
Vous êtes-vous concentrés plutôt sur le problème de la relation parent-enfant ou sur la fuite vers un monde imaginaire ?
Nous voulons laisser au public un choix d’interprétation. Mais il y a tout de même quelques thèmes essentiels que nous avons voulu mettre à jour à travers le récit : l’acceptation de soi, la quête d’identité, la tradition familiale et le conflit des générations. Pour nous, il ne s’agit pas pour Uotaro de s’enfuir vers un monde imaginaire, mais bien d’affirmer sa capacité à se libérer et à devenir enfin lui-même. Il va lutter en lui-même et explorer son identité pour gagner la confiance en lui qui lui permettra d’écouter sa voix intérieure et de se différencier de l’Uotaro que son père veut le voir devenir. Du point de vue du père, il voit son fils se comporter plus bizarrement que d’habitude : même s’il essaie de créer un lien avec lui, il y a un océan entre eux, comme s’ils venaient de mondes différents. Il essaie de former son fils comme son père l’a formé lui, et comme son grand-père avait avant ça formé son père. Mais Uotaro paraît peu enclin à prendre en main l’héritage familial, et sa frustration se mêle à une certaine confusion. Comme tout parent d’ado, Takeshi observe avec curiosité les changements que traverse son fils, son inévitable maturation, à ce moment où les parents réalisent que la vie de leur progéniture n’est pas la leur et qu’ils doivent lâcher prise. Nous avons pris soin de faire porter à Uotaro des lunettes carrées dont la forme évoque celles de son père : comme s’il était contraint (ou se contraignait lui-même) à voir le monde avec les yeux de Takeshi. Mais quand il saute dans l’eau et devient vraiment lui-même, il perd ces lunettes : il peut à présent voir avec ses propres yeux.
Qu’est-ce qui a guidé votre choix en technique d’animation et comment vous êtes-vous distribué les tâches ?
Ça a été très collaboratif tout le long, on a tous mis la main à la pâte à l’une ou l’autre étape du processus dans les quelques mois entre la pré-production et le début de la production. Après cela, on a discuté pour savoir sur quelle tâche spécifique chacun préférait s’investir, et nous nous les sommes partagées en fonction de ça. On continuait cependant à faire des allers-retours entre nous, à recevoir et à donner des avis ; Lan s’est consacré la plupart du temps au color script et à l’animation ; Chia-Yu était responsable du layout, des arrières-plans et de la colorisation ; Zhen a mis la touche finale à la conception des personnages et s’est concentré sur l’animation ; Sebastian était le responsable du design sonore, en dialogue avec le compositeur, et faisait également de l’animation ; Andrey était responsable du compositing et de la 3D, tout en participant aussi à l’animation en 2D ; et Denise gérait toute la partie production depuis le début, en contribuant à l’animation et en apportant son aide aux différents responsables.
Quel est votre court métrage de référence ?
Comme nous sommes six, c’est une question à laquelle il est très difficile de répondre. Durant l’écriture du scénario, on a quand même évoqué et partagé beaucoup de courts. Easter Eggs, réalisé par Nicolas Keppens, est l’un de ceux qui ont attiré l’attention de presque tout le monde. Un autre court que tout le monde a aimé, c’est Je sors acheter des cigarettes, d’Osman Cerfon. En ce qui concerne l’aspect artistique, nous sommes profondément inspirés par les travaux de Masaaki Yuasa et Crayon Shin-chan.
Qu’est-ce que le festival de Clermont-Ferrand représente pour vous ?
C’est notre première fois à nous tous au festival. On trouve que c’est un magnifique jalon sur notre trajectoire. La sélection nous tient à cœur, car nous connaissons l’importance du festival, et avoir l’occasion de partager huit fois notre film nous rend très heureux. On a hâte de connaître les avis et les interprétations variées du jury et du public. On espère que tout le monde prendra autant de plaisir à voir Go fishboy que ce que nous en avons pris à le faire. On est aussi très enthousiastes à l’idée des rencontres, des partages d’expériences et de points de vue avec toutes ces personnes qu’on ne connaît pas encore. Merci au festival pour cette belle opportunité !
Pour voir Go Fishboy, rendez-vous aux séances de la compétition nationale F5.