Dernier verre avec La Entrega (Délivrance)
Entretien avec Pedro Díaz, réalisateur de La Entrega (Délivrance)
La Entrega traite de la solitude et des traumatismes. Pourquoi avoir choisi d’aborder ces thématiques ?
Ce qui m’intéresse le plus, c’est que ces thématiques sont cachées dans chacun de nous. Ce sont des émotions que l’on essaye en général de cacher, car on estime qu’elles sont des signes de faiblesse. Le sujet de la solitude est crucial : c’est l’une des plus grandes problématiques actuelles. Paradoxalement, dans notre époque hyper connectée, beaucoup de personnes restent isolées. Trop de gens sont seuls et vivent derrière des portes auxquelles personne ne vient frapper. J’avais envie d’ouvrir cette porte et de comprendre les traumatismes de ce personnage pour montrer comment de petits gestes suffisent parfois à guérir de très grandes blessures.
Ramón Barea interprète le personnage principal, Armando. Comment l’avez-vous rencontré ?
Ramón est l’un des meilleurs acteurs de l’histoire du cinéma espagnol et il fait pour ainsi dire partie de l’héritage culturel de notre pays. Il a joué dans plus de 200 films, mais c’est aussi un acteur de théâtre et un metteur en scène reconnu. J’ai pensé à lui pour le rôle dès que j’ai commencé à écrire cette histoire. L’histoire de La Entrega, c’est celle d’Armando. Elle tourne intégralement autour d’un seul personnage et c’est pour ça que j’avais besoin de quelqu’un comme lui, capable d’incarner cet homme dans le moindre de ses détails. Sans aucun doute, travailler avec Ramón a été le plus grand privilège que m’a apporté ce film.
Quelle était la dynamique entre vous, vos acteurs et l’équipe de tournage ?
Depuis 8 ans, je tourne beaucoup de publicités à Madrid, et j’essaye toujours de travailler avec les mêmes équipes. J’ai eu la chance de me constituer un groupe d’amis et ce sont eux qui m’ont accompagné dans cette aventure. J’ai besoin de ressentir l’affection et la chaleur de mon équipe, de collaborer avec des amis et de savoir qu’au-delà de notre relation professionnelle nous sommes liés par nos émotions. Car je suis convaincu que tout cela se retranscrit à l’image et que c’est ça qui rend notre travail unique. J’ai échangé pendant longtemps avec les acteurs en visio au sujet de leurs personnages. Je me concentre davantage sur le fait de construire les personnages ensemble que sur les dialogues ou les déplacements sur le plateau. Nous avons parlé d’Armando et du livreur à vélo comme si nous avions écrit les vingt dernières années de leur vie, puis nous avons répété les séquences les plus importantes deux jours avant le début du tournage sur le plateau.
Que pensez-vous de la représentation (ou sous-représentation) des personnes âgées au cinéma ?
Je pense qu’il y a une vraie contradiction entre notre société vieillissante et sa représentation à l’écran. Beaucoup de gens m’ont dit que notre histoire n’était pas très vendeuse parce qu’on avait un personnage âgé et qu’on n’abordait aucun sujet d’actualité. D’ailleurs, on n’a reçu aucun financement public. Nous vivons dans une société où les personnes âgées sont amenées à être le sujet de conversation majeur dans les prochaines années, et nous serons confrontés à des problématiques clés, telles que l’accompagnement et la solitude. Mettre tout ça en avant, et le faire sans condescendance, donner de l’autonomie aux personnes âgées et leur redonner la place qu’elles méritent, ça serait un énorme pas en avant.
Quel est votre court métrage de référence ?
Validation (Kurt Kuenne, 2007).
Que représente pour vous le festival de Clermont-Ferrand ?
Je suis le festival depuis mes études universitaires, il y a 15 ans, et je l’ai toujours considéré comme un objectif à atteindre. Clermont-Ferrand est le plus important festival du court métrage au monde, c’est donc un privilège, un honneur, mais aussi une responsabilité de faire partie de la compétition internationale, aux côtés des meilleurs films du monde.
Pour voir La Entrega (Délivrance), rendez-vous aux séances de la compétition internationale I13.