Goûter avec Dieu n’est plus médecin
Entretien avec Marion Le Corroller, réalisatrice de Dieu n’est plus médecin
Comment avez-vous eu l’inspiration pour Dieu n’est plus médecin ? Avez-vous déjà travaillé en milieu médical ?
L’idée du film est née alors que je discutais avec une amie interne autours d’un café. Elle était épuisée, au bord du burn out et avait développé un zona sur l’ensemble du corps. Je me souviens avoir ressenti beaucoup de peine pour cette jeune médecin en devenir, beaucoup de colère aussi. Comment un pays comme la France, avec l’un des systèmes de santé les plus enviés au monde, pouvait-il malmener de la sorte ses soignants ? Un peu plus tard, j’ai eu des soucis de santé et j’ai enchaîné les rendez-vous à l’hôpital. J’ai pu observer au plus près les soignants, nouer des relations avec certains d’entre eux, recueillir des témoignages. Le film a commencé à s’écrire ainsi. Puis j’ai eu la chance d’être accueillie en stage d’observation dans un service d’urgences. Ça a énormément nourri le scénario.
Travaillez-vous particulièrement sur le rapport au corps en général ? Envisagez-vous de poursuivre cette approche dans vos prochains projets ?
Le corps est clairement un objet qui m’intéresse, m’obsède même ! Son rapport avec l’esprit, ses transformations au gré de nos névroses, de notre avancée dans la vie, de nos traumatismes, je trouve ça fascinant ! Mes deux précédents courts métrages étaient déjà en lien étroit avec cette thématique et mon premier long métrage restera dans cette lignée. Je crois que le corps est, d’une certaine manière, le reflet de notre âme. Il raconte beaucoup sur les personnages, il est le miroir de notre époque.
Avez-vous entrepris des recherches sur les états traumatiques et la sensation de « perdre pied » ?
Je me suis surtout basée sur des témoignages de soignants dont les corps étaient meurtris. Chacun somatise le burn out d’une manière différente : éruption cutanée, migraines, maux de ventre, malaises… Sans parler de ceux qui ont fait une tentative de suicide ou qui y ont assisté avec un collègue. Perdre pied pour un médecin, ce n’est pas concevable. Il y a quelque chose dans l’imaginaire collectif qui fait que le soignant ne peut pas être celui qui va mal. C’est la raison pour laquelle beaucoup se murent dans le silence, ils ont honte. L’omerta est très forte à l’hôpital.
Qu’est-ce qui vous intéressait dans le choix des saignements ?
Le sang, c’est le nectar de la vie. Transpirer du sang, c’est finalement se rapprocher lentement de la mort. Comme un arbre se viderait de sa sève et commencerait à pourrir, il en est de même pour mon héroïne. Elle sue sang et eau, au sens premier du terme. Et puis il y a ce passage de la Bible où Jésus se met à transpirer du sang avant de monter sur la croix. Je trouvais le parallèle intéressant avec nos soignants que les politiques « crucifient » en fermant des lits, réduisant les effectifs, les budgets…
Quel est l’avenir du format court métrage d’après vous ?
Pour moi le court métrage reste indispensable avant le passage au long. Ça permet de tester plein de choses, de former son équipe de techniciens, de comédiens… C’est une sorte de laboratoire où fourmillent de nombreux talents. Je ne pense pas que ce format disparaîtra un jour et je trouve ça dommage qu’on ne puisse pas en voir plus au cinéma !
Demain on reconfine, quels plaisirs culturels conseillez-vous pour échapper à l’ennui ?
Alors pour la vague n° 27 de la saison 5, je vous conseille de voir des films, bien sûr. Pendant les deux premiers confinements, j’ai enchaîné deux à trois films par jour (ce qui a considérablement aggravé ma myopie d’ailleurs…). Écrire aussi, rêver. L’ennui ça n’existe pas. C’est simplement la résultante d’un manque d’initiatives, de curiosité. Il faut donc ouvrir l’œil !
Pour voir Dieu n’est plus médecin, rendez-vous aux séances de la compétition nationale F2.