Dîner avec Dark Matter (Matière noire)
Entretien avec Viktor Brim, réalisateur de Dark Matter (Matière noire)
Comment avez-vous choisi le titre Dark Matter ?
Je voulais un titre qui évoque l’influence de l’Homme sur le paysage. Le paysage, dans ce contexte, se réfère à une ressource qui est constamment modifiée, refaçonnée et dégradée, en particulier en Sibérie. Je me suis intéressé au phénomène d’altération et de remodelage du paysage ou de la matière en tant qu’action humaine ayant toujours existé. Même si elle est basée sur des idéologies différentes selon l’époque, cette action reste encore et toujours une intrusion.
Comment avez-vous travaillé sur le rythme et les sons ?
Dès le début, il était clair pour moi que le film serait composé de tableaux. En même temps, je voulais que les images soient étroitement liées entre elles par une bande sonore cohérente. L’objectif était que chaque image puisse se révéler d’elle-même de par sa longueur, et de par la séquence suivante, mais aussi être capable de faire le lien avec les autres plans.
À quelle heure de la journée avez-vous tourné et pourquoi ?
Nous avons toujours tourné pendant l’heure bleue. La Yakoutie est située dans la zone arctique, c’est-à-dire près du cercle arctique. En été, l’heure bleue dure toute la nuit et il ne fait jamais totalement sombre. Cette lumière très spéciale nous a permis de créer une sorte d’ambiance métaphysique. C’était important pour nous car la Yakoutie est une région pleine de mythes et de mystères. C’est une terre qui a été habitée pendant de nombreux siècles par des peuples autochtones qui ont leurs propres idées et récits sur les lieux. Ces récits se sont heurtés à la colonisation soviétique de cette terre.
Comment avez-vous travaillé sur l’effet « nature morte » de la copie et pourquoi ? Quelle importance souhaitiez-vous donner à l’idée d’immobilité ?
Il existe aussi un livre pour accompagner le film, Imperial Objects. On y trouve un examen plus approfondi des récits impériaux et coloniaux avec lesquels ce paysage riche en ressources a été dominé pendant de nombreuses décennies. L’immobilité était importante pour le film car elle incarne plus ou moins l’état du lieu. La Yakoutie est fortement marquée par des friches industrielles soviétiques qui ne sont jamais démolies mais laissées à l’abandon, végétant dans l’immobilité.
Y a-t-il une suite à Dark Matter ?
Tous mes films sont liés les uns aux autres, d’une manière ou d’une autre. Je suis sûr que des éléments de Dark Matter apparaîtront également dans le prochain projet.
Quel est l’avenir du format court métrage d’après vous ?
Je pense que le court métrage est un support très spécial. D’une certaine manière, les courts jouissent d’une liberté que les longs métrages ne pourront jamais avoir car ils offrent un espace de création bien plus vaste en raison de leur temps de production plus court. Un bon court métrage peut naître d’une impulsion très simple, filmée avec la caméra d’un smartphone. C’est différent avec un long métrage.
Demain on reconfine, quels plaisirs culturels conseillez-vous pour échapper à l’ennui ?
La lecture 😉
Pour voir Dark Matter (Matière noire), rendez-vous aux séances L3 de la compétition labo.