Breakfast avec Der Übers Meer Kam (Celui qui est venu par la mer)
Entretien avec Jonas Riemer, réalisateur de Der Übers Meer Kam (Celui qui est venu par la mer)
De qui est inspirée cette histoire ? Quel type de recherches avez-vous menées pour la raconter ?
Le film est inspiré de l’histoire vraie de mon oncle, qui en est également le narrateur. Au début des années 1980, il a fui la RDA et traversé la mer Baltique dans une toute petite embarcation pour gagner l’Allemagne de l’Ouest. Aujourd’hui, il est membre de l’AfD, un parti d’extrême droite, et d’après lui, il ne faudrait pas porter secours aux réfugiés en détresse en mer. Afin de me familiariser avec l’histoire et de préparer l’entretien avec mon oncle, j’ai lu un grand nombre de témoignages de réfugiés de la RDA semblables au sien et j’ai étudié de manière approfondie le populisme de droite (en particulier celui de l’AfD).
Pourquoi avoir choisi d’en faire un court-métrage d’animation ?
Tout ce que je savais de lui me semblait être une contradiction grotesque qui soulevait des milliers de questions dans ma tête, du genre : comment est-ce que cette personne courageuse, qui a fui une dictature verrouillée, a pu devenir un homme qui aspire à l’isolement ? De quoi a-t-il peur ? Comme ces questions ne m’ont jamais quitté, j’ai vu là l’occasion de sortir de ma zone de confort et d’essayer de faire le portrait intime d’une personnalité aux multiples facettes, ce qui demande beaucoup de patience et de sensibilité. Le faire en animation m’est apparu comme une évidence, parce que c’est un excellent outil pour réduire une histoire à son essence, pour la rendre abstraite et créer suffisamment d’espace pour que le spectateur puisse exercer sa propre imagination. Cela incite aussi le spectateur à se forger sa propre opinion.
Pouvez-vous nous en dire plus sur votre style d’animation, votre usage du noir et blanc, etc. ?
Il était important pour moi de raconter cette histoire de manière objective et en même temps d’y introduire une critique subtile. C’est pourquoi j’ai décidé de raconter le film entier en de très longues prises et en plongée verticale. Cette perspective rend le protagoniste tout petit, perdu et interchangeable. L’usage du noir et blanc était essentiel pour accentuer le contraste entre deux thèmes contradictoires. De plus, le film parle d’une personne qui, d’une certaine manière, voit le monde en noir et blanc, le pense en termes de bien et de mal… alors que, bien entendu, le monde est plus complexe que cela, et j’espère que le film encourage le spectateur à voir les nombreuses nuances qui existent entre le noir et le blanc.
Qu’espérez-vous que le public retire de votre film ?
Je veux délibérément créer chez les spectateurs un sentiment d’irritation, afin de les encourager à se faire leurs propres idées et à en discuter entre eux. J’espère que l’absurdité de l’histoire montre clairement que toute forme d’isolement nous fait perdre une part de notre humanité.
Quel est l’avenir du format court-métrage d’après vous ?
J’espère pouvoir bientôt remettre les pieds dans un festival du court-métrage, dans un vrai cinéma du monde réel. Parce que l’attention accordée aux films dans ces festivals et l’occasion de parler avec d’autres réalisateurs et réalisatrices est toujours source d’inspiration et indispensable. J’aimerais aussi que les courts-métrages bénéficient d’une meilleure accessibilité à l’avenir et que leur visionnage en ligne se développe.
Demain on reconfine, quels plaisirs culturels conseillez-vous pour échapper à l’ennui ?
Regarder de bons films, bien sûr, mais sans trop en enchaîner à la fois. Je recommande aussi de maintenir un équilibre entre ce que vous absorbez et ce que vous produisez : ne vous contentez pas de consommer, mais essayez de produire quelque chose de vos mains, peu importe ce que c’est (pour ma part, c’est le dessin, l’écriture et la cuisine).
Pour voir Der Übers Meer Kam (Celui qui est venu par la mer), rendez-vous aux séances de la compétition internationale I12.