Lunch avec Portugal Pequeno
Interview de Victor Quintanilha, réalisateur de Portugal Pequeno
Comment présenteriez-vous votre film à quelqu’un qui ne l’a pas encore vu ?
Portugal Pequeno est avant tout un film sur le passage à l’âge adulte. C’est l’histoire d’un jeune homme qui travaille en tant que pêcheur aux côtés de son père et qui rêve de devenir un chanteur de Baile funk célèbre. Sa routine révèle subtilement plusieurs couches, qui composent une série d’éléments qui l’entourent et l’influencent dans cette étape importante de sa vie.
Pourquoi vous êtes-vous intéressé à ce sujet et à ces personnages ?
Je viens de São Gonçalo, une ville de la banlieue de Rio de Janeiro, et je traversais tous les jours le pont Rio-Niterói (que l’on peut d’ailleurs voir dans le film) pour me rendre à l’Université pontificale catholique de Rio de Janeiro où j’étudiais le cinéma. Depuis le pont, je regardais toujours attentivement cet endroit nommé Portugal Pequeno, rempli de petits bateaux de pêche entourés d’énormes navires et de plateformes pétrolières. Depuis, j’ai toujours eu envie de raconter une histoire se déroulant dans cette communauté : elle offre énormément d’éléments narratifs à développer. J’ai donc commencé à créer ce personnage, un jeune pêcheur qui rêve de devenir un chanteur célèbre. Avec ce conflit initial, les autres éléments émergent naturellement grâce à tous les contrastes qu’offre le contexte. J’ai fait en sorte de raconter cette histoire de manière légère, sans victimiser les personnages, et de présenter les défis que doit relever un jeune artiste noir devenant adulte de manière directe et simple. Car il s’agit d’une étape de la vie où nous faisons des choix importants qui définissent notre futur.
Quels défis avez-vous rencontrés au cours du tournage et qu’en avez-vous retiré ?
Tout au long du processus de production, j’ai pu collaborer avec de très bons amis qui étudient aussi à l’EICTV à Cuba. L’atmosphère était très intime et chaleureuse. Toute l’équipe a fait preuve d’une énergie incroyable sur le plateau : tout le monde s’est investi dans le travail (avec amour) et je pense que cela se voit dans le film. Le magnifique accueil que nous ont réservé les habitants de Morro da Penha, où nous avons tourné le court métrage, a sans aucun doute été vital. Ils ont été fantastiques et ont participé activement à l’aventure. Nous avons tissé des liens indéfectibles avec eux. La capacité du cinéma à rassembler les gens est définitivement l’une de ses plus grandes forces. J’ai hâte de pouvoir projeter le film là-bas, une fois la pandémie terminée, et de rassembler tout le monde. Notre plus gros défi a été de tourner la scène d’ouverture du film. Il y avait énormément de figurants et d’éléments à prendre en compte. C’était le chaos. J’ai même cru que nous n’y arriverions pas.
Comment se sont passés le casting et la direction des acteurs ?
Dans un premier temps, nous voulions travailler avec des non-acteurs. Mais la réalité de la production nous a rattrapés : nous n’avions pas beaucoup de temps et d’énergie à consacrer à la recherche des candidats ni à la préparation des heureux élus. Nous avons donc passé une annonce et vu plus de 60 candidats. C’était un processus difficile, mais très enrichissant. J’ai été très heureux de rencontrer autant de jeunes talentueux. Nous avons sélectionné João Vitor Nascimento, un acteur incroyable de la troupe de Vidigal « Nós do Morro ». Il dégageait exactement l’énergie que nous voulions et il a un regard innocent, rempli d’espoir. Pour le personnage du père, notre premier choix (et notre seul choix d’ailleurs) était Wilson Rabelo. J’ai découvert son travail lorsque je me suis occupé du montage des dialogues sur le film Bacurau. Wilson a mis toute son expérience et toute son intelligence au service du film. C’est un acteur fantastique et c’était un honneur de collaborer avec lui. Avec ces deux acteurs, j’ai eu la confiance nécessaire pour élaborer chaque scène dans les moindres détails. Après chaque répétition, nous échangions sur nos impressions afin de pouvoir améliorer les scènes, mais aussi nous rapprocher. Une fois sur le plateau, nous étions tous sur la même longueur d’onde et nous pouvions communiquer de manière très efficace.
Quels sont vos objectifs pour le film ?
Jamais je n’aurais imaginé que notre film serait présenté au Festival international du court métrage de Clermont-Ferrand 2021. J’aimerais qu’il soit projeté dans d’autres festivals, mais aussi qu’il soit diffusé à la télévision pour qu’il puisse toucher autant de spectateurs que possible, et notamment les jeunes du même âge que Jonathan.
Quel est l’avenir du format court métrage d’après vous ?
Je pense que la pandémie actuelle nous a montré la voie pour le futur des festivals, notamment en ce qui concerne les courts métrages. Les festivals en ligne sont une nouvelle possibilité et ils permettent de toucher une audience bien plus large. Ils facilitent l’accès à la culture et participent à sa démocratisation. Peut-être que ce nouveau débouché boostera la production de courts métrages.
Demain on reconfine, quels plaisirs culturels conseillez-vous pour échapper à l’ennui ?
Pendant le confinement, j’ai pu regarder beaucoup de séries et de films. Je vous recommande fortement la série I May Destroy You, tout le monde devrait la voir : la façon dont les personnages sont construits et les conflits sont développés est fantastique. Les séries abordent les différents types d’abus, même à travers les actions et les lieux les plus inattendus. C’est incroyable ! Si vous souhaitez en savoir plus sur la scène funk de Rio de Janeiro, je vous conseille d’écouter des artistes comme Iasmin Turbininha, Kevin O Chris, Mc Rebecca, Ludmilla, WC no Beat ou Mc Cabelinho. Et la liste est encore longue. Vous pourrez trouver le morceau parfait pour vos soirées.
Pour voir Portugal Pequeno, rendez-vous aux séances de la compétition internationale I14.