Lunch avec Badaren (Le nageur)
Entretien avec Jonatan Etzler, réalisateur de Badaren (Le nageur)
Le film est inspiré d’une histoire vraie. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Oui, le film s’inspire de faits réels. L’idée m’est venue en lisant un fait divers sur deux policiers venus arrêter un homme dans une piscine. L’homme a refusé de sortir du bassin, et ils ont passé 45 minutes à tenter le convaincre, avant qu’il ne finisse par céder. J’ai trouvé cette situation très intéressante. Dans quel but refusait-il de sortir de cette piscine ? Cela me semblait complètement vain. Je me suis demandé quelle avait été l’attitude des policiers, et celle des autres nageurs. Dans le film, j’imagine tout simplement ce qui a pu se passer.
Comment présenteriez-vous le film à quelqu’un qui ne l’a pas vu ?
Deux policiers viennent arrêter un homme dans une piscine. Il a causé un accident de la route et sa voiture a été repérée devant le centre aquatique. Quand ils tentent de l’arrêter, il refuse de sortir du bassin, et l’arrestation tourne au psychodrame. La situation est dans une impasse : les policiers n’ont pas le droit d’entrer dans l’eau, et le nageur refuse de sortir. Parfois, pour se sentir libre, la solution de facilité est de refuser de voir la réalité en face. C’est un sentiment que nous connaissons tous, et voilà de quoi parle le film.
Il y a des éléments de comédie dans Badaren, mais d’un autre côté, le personnage principal est plutôt pitoyable. Comment l’avez-vous façonné ?
Je pense qu’il se comporte un peu comme Trump qui refusait de quitter son poste de président. Seulement, contrairement à Trump, il n’est pas en position de pouvoir. Il est juste très têtu – comme un enfant qui refuse de faire ce qu’on lui dit. À mes yeux, il est plus puéril que pitoyable. Quand j’ai rencontré Pontus Liedberg, qui incarne Ola, le protagoniste, tout s’est mis en place : ce rôle lui allait comme un gant. Il n’avait jamais joué devant une caméra, mais il avait fait du théâtre amateur en plus de son travail normal (il est créateur de mots croisés). Il a quelque chose de très particulier – ce visage qui attire le regard, et le rend sympathique. Au final, je dirais que c’est Pontus qui a façonné le personnage.
Comment s’est passé le tournage dans la piscine ? Quels sont les difficultés inhérentes à un tournage dans ce genre d’endroit ?
Il faisait une chaleur de four. On était en plein été, il faisait chaud et humide. Au bout d’une heure, j’ai cru que j’allais tomber dans les pommes. Et il y avait aussi un grand bassin entre la caméra et les personnages, il fallait le contourner à chaque allée et venue, ce qui prenait beaucoup de temps et d’énergie.
Quel est l’avenir du format court métrage d’après vous ?
Le court métrage a un grand avenir. Contrairement au long métrage, il permet d’évoquer ces petits détails de la vie des gens, ou tel ou tel aspect bien précis de la réalité. Et on aura toujours besoin de le faire. YouTube est une bonne chose pour le court métrage, et c’est super d’avoir lancé des festivals en ligne pendant la pandémie – pour le court métrage, ça fonctionne étonnamment bien. Bien sûr, aller à un festival en vrai me manque beaucoup, et j’espère venir à Clermont en personne en 2022 !
Demain on reconfine, quels plaisirs culturels conseillez-vous pour échapper à l’ennui ?
Je vous conseille de regarder des courts métrages. Faites une pause toutes les heures dans votre travail pour regarder un court métrage et vous stimuler l’esprit. Je vous recommande également le cinéma suédois. Badaren est très influencé par le cinéaste suédois Roy Andersson (qui a réalisé un excellent court métrage intitulé Monde de gloire, primé à Clermont-Ferrand dans les années 1990) et par le photographe Lars Tunbjörk. Et un peu par Jacques Tati. Regardez aussi Les feux de la vie, de Jan Troell, un superbe film suédois des années 1960 (il a également quelques fabuleux courts métrages à son actif). Le confinement est aussi le moment idéal pour voir toutes ces grandes fresques historiques qu’on n’a jamais eu le temps de regarder avant. Style Ben-Hur ou 1900. En ce moment, je regarde une adaptation au cinéma de Guerre et Paix signée Sergueï Bondartchouk, qui dure sept heures. Un régal ! Alterner entre de très longs films et des courts métrages est une bonne stratégie à adopter pendant un confinement.
Pour voir Badaren (Le nageur), rendez-vous aux séances de la compétition internationale I11.